Octobre de Pierre Falardeau ou le choix de la responsabilité

« Tout ce que j’aimerais, c’est que ma mère regarde ce film-là et qu’elle comprenne. Pas qu’elle soit d’accord, mais qu’elle comprenne. Pourquoi ils l’ont tué, comment, dans quel état, dans quel “feeling”. […] Personne n’est neutre. Je ne suis pas neutre. Je cherche à montrer. Octobre est un film fait du point de vue des felquistes1. »
– Pierre Falardeau

Bien des choses ont été dites et écrites au sujet du film Octobre au cours des vingt-cinq dernières années. Encore à ce jour, il s’agit certainement, avec Les Ordres de Michel Brault, de l’une des œuvres cinématographiques les plus importantes à avoir été créée au sujet de ce pan douloureux de l’histoire québécoise. Pierre Falardeau a souvent raconté le très long chemin parsemé d’embûches qu’il a dû parcourir avant d’obtenir le financement nécessaire pour créer son film – l’aventure a duré plus dix ans. Du refus de plusieurs versions de son scénario, en passant par l’intervention directe du sénateur Gigantès, visant à empêcher l’attribution de fonds au projet par Téléfilm Canada, le cinéaste a appris à la dure qu’il y a des histoires que certains préféreraient qu’elles demeurent à jamais enfouies2.

La lecture du scénario du film permet d’ailleurs de constater que, même après l’octroi du financement nécessaire pour le tournage, Falardeau a dû apporter plusieurs modifications à des répliques du film, à la demande d’avocats3. Ce qui confère certainement à ce film son caractère original, c’est le fait qu’il s’agit, encore à ce jour, de la seule œuvre de fiction qui raconte octobre 1970 à partir du point de vue des membres de la cellule Chénier, plus précisément, du récit que Francis Simard a livré des événements survenus sur la rue Armstrong. Dans le cadre des commémorations du cinquantième anniversaire de la crise d’Octobre, qui ravivent de nombreux débats et des interprétations de diverses natures au sujet des événements d’octobre 1970 et de leur déroulement, il importe de souligner que le film de Falardeau se distingue aussi sur le plan de l’histoire des idées. Octobre constitue une exception dans l’ensemble des représentations de cette époque puisque le film reconnaît l’entière responsabilité collective des membres de la cellule Chénier dans la mort de Pierre Laporte. Dans un premier temps, je décrirai la démarche de Falardeau et monterai comment elle se donne à voir au sein du film. Je proposerai ensuite quelques réflexions au sujet de la singularité de cette démarche en regard du traitement réservé à cet événement dans la mémoire collective.

Du choix de la responsabilité

Dans la première édition de son livre Pour en finir avec octobre, dans lequel il raconte son expérience d’octobre 1970, tout en dressant un portrait des années qui ont précédé et qui ont suivi ce point tournant dans sa vie, Francis Simard formule ainsi quelques remerciements :

Mes remerciements à Denise Mercier, Pierre Falardeau et Julien Poulin. Sans leur appui, leur aide constante, tout au long du travail de rédaction, ce livre aurait été impossible. Je tiens à souligner aussi le travail de l’éditeur qui, comme convenu, a respecté mon texte sans y apporter ni demander aucun changement4.

Dès le début de son ouvrage dans lequel il brisait le silence pour livrer son témoignage (peut-être une fois pour toutes, selon ce que laisse entendre le titre du livre), Francis Simard souligne qu’il s’agit d’un récit qui n’a aucunement été altéré par un travail d’édition afin qu’il demeure fidèle aux faits. Il souligne aussi le rôle essentiel qu’ont joué Pierre Falardeau et Julien Poulin dans ce processus qui l’a amené à raconter son histoire. Bien qu’il puisse être facile de l’oublier, Pour en finir avec octobre et Octobre sont liés depuis leur genèse. Tous deux découlent du récit qu’a livré Francis Simard à Pierre Falardeau et à son complice Julien Poulin en 1981, après sa sortie de prison, lors d’entretiens réalisés par les cinéastes, à raison de dix heures par jour durant une semaine5. Ce sont ces entrevues qui ont jeté les bases pour la rédaction du livre de l’ancien membre de la cellule Chénier et pour l’écriture du scénario du film Octobre ; un projet auquel Julien Poulin a d’ailleurs collaboré au départ6.

Le chapitre consacré à Octobre dans le livre d’entretiens Pierre Falardeau persiste et filme ! de Mireille La France offre d’ailleurs un excellent aperçu de l’ampleur des efforts consacrés par Falardeau pour créer une représentation des événements qui soit conforme à la réalité. Le cinéaste explique que rien n’a été laissé au hasard lors des entretiens réalisés auprès de Francis Simard et rapporte qu’il a cherché à s’enquérir de détails très précis entourant les journées passées par les membres de la cellule Chénier sur la rue Armstrong. Il raconte même avoir consulté des photos prises par les forces policières du contenu des poubelles que les felquistes ont laissées derrière eux au moment de leur fuite, ce qui a permis de dresser un inventaire de ce qui se trouvait au menu à l’époque : « […] [d]es boîtes de poulet BBQ, [d]es boîtes de tabac Export, [d]es cannes de petits pois, tout ça7. »

C’est peut-être surtout par rapport aux circonstances exactes dans lesquelles Pierre Laporte est décédé que Falardeau a souhaité présenter un portrait qui soit le plus fidèle possible à la réalité. Le cinéaste raconte ainsi comment Julien Poulin et lui en sont arrivés à interroger Francis Simard au sujet de cette question très délicate, lors de leur dernière journée d’entretiens :

On a continué à hésiter comme ça jusqu’au vendredi après-midi, et j’imagine que Simard devait sentir notre gêne. Finalement, après mille détours, on s’est décidés : « Bon… Là… Y reste la mort de Laporte… » Francis, lui, n’a pas hésité à nous répondre : « On l’a tué. On l’a étranglé. Pis ça, ça va vite… ça va ben vite… » Je n’ai pas insisté. Les questions se sont arrêtées là. Je me rappelle que Poulin pleurait, et moi, j’avais le motton dans la gorge ; Francis, lui, était tout croche… Un peu plus tard, je suis allé rencontrer un médecin légiste de la Sûreté du Québec pour avoir plus de précisions : « Je suis en train d’écrire un film policier dans lequel un type se fait étrangler, et j’ai besoin de savoir les effets sur le corps de la victime, combien ça prend de temps avant la mort, tout ça. C’est très important parce qu’on va faire plusieurs gros plans8. »

Si le cinéaste comptait d’abord représenter la durée réelle d’une mort par strangulation dans son film (c’est-à-dire de deux à quatre minutes, selon ce que lui avait rapporté le médecin légiste qu’il avait consulté), c’est plutôt un silence « interminable » de trente secondes qu’il confie avoir conservé au montage du film pour faire éprouver la durée du meurtre de Laporte9.

Dans Pour en finir avec octobre, Francis Simard est sans équivoque : la mort de Pierre Laporte est le fruit d’une décision qui a été prise par les membres de la cellule Chénier. L’auteur décrit ainsi les tourments précédant ce choix :

Nous le libérons…, nous ne le libérons pas. Nous nous disons « Il faut le libérer », mais nous ne pouvons pas faire ça. C’est encore donner raison aux pouvoirs, à ceux qui possèdent. C’est accepter encore qu’ils soient les plus forts, toujours. C’est reconnaître que leur maudite raison d’État qu’ils proclament soit la seule vraie, la seule juste… Nous ne pouvons pas le libérer… Mais à l’instant où tu décides ça, tu décides aussi le contraire. C’est impossible on ne peut pas tuer un homme. Tu as le goût de brailler. Tu as la sensation d’avoir une barre de fer dans le ventre. Ça fait mal. Tu as la responsabilité d’une vie humaine entre tes mains… Je ne sais pas comment m’exprimer. C’est la première fois que je dis ça. La décision que nous avons prise, c’est que nous l’avons tué. Ce n’est pas du tout un accident. Ça n’a rien à voir avec ce qu’on a raconté… Ça s’est fait très vite. Ça se fait très vite. C’est fragile une vie humaine10.

S’il s’agit d’une décision, cela ne signifie pas pour qu’elle aurait été longuement préméditée, et encore moins qu’elle aurait été facile à prendre. Comme l’a confié Simard :

Pierre Laporte a été tué. Sa mort n’a pas été accidentelle. Dire cela, ça ne veut pas dire que sa mort a été voulue. Ça ne veut pas dire qu’en enlevant Laporte nous voulions sa mort. Nous n’avons jamais voulu ça. Nous ne voulions pas ça. Si nous avions voulu sa mort, nous ne l’aurions pas enlevé. Nous l’aurions tué11.

Si la mort du ministre n’était ni souhaitée, ni un accident, elle était tout de même le fruit d’une succession d’événements et de complications de différentes natures : des blessures que Laporte s’est infligé en tentant de fuir par la fenêtre, en passant par le refus de négocier du gouvernement et la déclaration de la Loi des mesures de guerre. Dans le peu de détails fournis par Simard au sujet de la mort de Laporte, il rapporte d’ailleurs qu’il était inerte depuis un certain temps à ce moment : « Il ressemblait à quelqu’un à qui on aurait pratiqué une lobotomie. On a eu ce feeling-là. C’était comme s’il était déjà mort. Il n’y avait plus de vie dans son corps… plus de réaction12… »

Le film de Falardeau semble demeurer fidèle en tous points à ce que lui a confié Simard et à ce qu’il a écrit dans son livre au sujet de la mort de Laporte et des événements qui ont mené à la décision de mettre fin à ses jours. En se rapportant au témoignage que Simard lui a livré, Falardeau représente la mort du ministre comme le fruit d’une décision prise à la suite d’une succession d’imprévus, de grands moments de doutes et de débats éprouvants entre les membres de la cellule Chénier, comme le montrent ces répliques tirées du scénario :

Luc / Admettons qu’on le libère. / Denis / On fait pareil comme la cellule Libération… On plie… C’est comme si on avait fait toute ça pour rien… On s’écrase… / Après un temps de silence : / Luc / C’est comme si on disait au monde : « Ça sert à rien de se battre… l’autre bord, y s’ront toujours les plus forts… » / Tout est dit sur un ton très triste, absolument pas agressif. / Luc / On va être des vaincus encore une fois… / Silence. / Luc / Des vaincus… de génération en génération… Tout un peuple de vaincus… Un peuple qui s’rappelle même pus c’que c’é qu’la liberté. / Denis / On n’a pas le droit de plier13.

Là où Octobre est demeuré fidèle au témoignage de Francis Simard et à la volonté exprimée par les quatre membres de la cellule Chénier, c’est aussi dans la reconnaissance de la responsabilité collective qu’ils ont toujours souhaité assumer par rapport à la mort de Laporte.

Dans Pour en finir avec octobre, Simard affirme :

Nous sommes responsables de la mort de Pierre Laporte. C’est un acte que nous avons toujours assumé collectivement. Ce n’est pas parce que douze ans ont passé que cette responsabilité de groupe se trouve diminuée, bien au contraire. C’est pour mieux l’assumer que nous parlons aujourd’hui. Que certains d’entre nous aient été présents ou absents ne change rien à l’affaire. Ce sont uniquement les circonstances, le hasard qui ont fait qu’à un moment donné certains d’entre nous étaient à la maison, d’autres non. Ça n’a pas d’importance quant à notre responsabilité. C’est passer à côté de ce qui est important, essentiel. Il s’agit d’une action que nous assumons collectivement parce que nous en sommes tous les quatre politiquement et humainement responsables14.

Octobre représente ce désir de la part des membres de la cellule Chénier d’assumer et de reconnaître leur responsabilité collective dans la mort de Laporte par divers procédés. Le plus manifeste étant que jamais les noms ou prénoms de Francis Simard, de Bernard Lortie ou de Jacques et Paul Rose ne sont prononcés dans l’ensemble du film15. Les didascalies nominatives accompagnant les répliques de chaque personnage dans le scénario renvoient aux prénoms des comédiens qui ont interprété les quatre felquistes (Hugo Dubé, Luc Picard, Pierre Rivard et Denis Trudel16). Tandis que le générique du film énumère les noms des quatre comédiens en les désignant comme « Les felquistes17 ».

S’il respecte les souhaits émis par les membres d’être reconnus collectivement responsables, sans distinction et s’il présente l’assassinat comme un geste « collectif », même s’il n’a pu être commis par l’une des deux personnes présentes dans la maison (ou par les deux), le film offre tout de même des clés pour permettre aux spectateurs d’apposer un nom sur les personnages joués par Luc Picard et Denis Trudel, les deux seuls felquistes qui étaient sur les lieux au moment du meurtre. Les dialogues offrent plusieurs indices permettant d’associer les comédiens aux personnages qu’ils interprètent, à l’aide d’une recherche sommaire entourant des faits connus au sujet des événements d’octobre. Falardeau offre aussi une ultime clé interprétative à la toute fin du film, en montrant des photos d’identité judiciaire sur lesquelles le portrait de chaque comédien est accompagné du numéro de prisonnier qui a été attribué, lors de l’arrestation du groupe, au membre de la cellule Chénier dont il interprète le rôle. Le cinéaste a aussi dévoilé lors des entretiens accordés à Mireille La France le nom des personnages interprétés par chaque acteur : le rôle de Francis Simard a été confié à Luc Picard, celui de Paul Rose à Hugo Dubé, de Jacques Rose à Denis Trudel et de Bernard Lortie à Pierre Rivard18. Le tout permet ainsi de constater que c’est Francis Simard et Jacques Rose qui étaient sur les lieux au moment du meurtre. Falardeau va même jusqu’à placer la corde, qui servira à étrangler Laporte, dans les mains du personnage interprété par Luc Picard, avant que les deux felquistes ne disparaissent hors-champ dans la séquence précédant directement celle où l’otage se fait tuer ; un détail furtif qui pourrait laisser deviner que Francis Simard aurait pu être le principal auteur de ce geste…

Falardeau a confié ne pas avoir souhaité épuiser les débats sur la crise d’Octobre par son film ; un défi qui aurait d’ailleurs été impossible, selon lui, en raison des nombreux mystères à éclairer notamment au sujet de tout ce qui entoure les agissements des gouvernements et des forces policières dans l’ensemble de cette crise19. Ce film raconte tout de même ce qui se serait produit dans la maison de la rue Armstrong à partir du témoignage qu’en a livré une des deux seules personnes qui étaient présentes sur place, le jour de la mort de Pierre Laporte. Ce témoignage, Falardeau a confié en avoir vérifié la validité à de nombreuses reprises et de plusieurs manières. Cette version des faits, il semblerait que Jacques Rose – l’autre membre de la cellule Chénier présent aux côtés de Simard le 17 octobre – ne s’y soit pas opposé sur le fond des choses au sujet des circonstances entourant la mort de Laporte. On aurait ainsi pu croire que le film de Falardeau et le livre écrit par Simard (auquel les trois autres membres de la cellule Chénier ont d’abord apposé leur signature sur la première édition), en seraient arrivés à s’imposer comment les sources les plus fiables d’informations au sujet de ce qui s’est vraiment produit durant la prise d’otage dans un coin isolé de Saint-Hubert. Cette question ayant été « réglée », des énergies auraient pu être consacrées à faire la lumière sur d’autres parts d’ombres et de mystères entourant tout ce qui se serait produit à l’extérieur des murs de la rue Armstrong, avant, durant et après la Crise, et ce, jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. Et pourtant, plus de cinquante ans plus tard, de nombreuses voix s’élèvent toujours pour stipuler qu’il y aurait anguille sous roche…

De la mort accidentelle et des complots

Au cours des cinq dernières décennies, de nombreuses hypothèses ont circulé dans le discours médiatique ou dans des ouvrages de différents genres, stipulant que la mort de Laporte aurait été le fruit d’un accident ou d’un complot. Dans un dossier spécial soulignant le cinquantième anniversaire de cet événement dans le quotidien Le Devoir, des renseignements inclus dans une ligne de temps présentant la chronologie des événements stipulaient que le 17 octobre 1970, « Pierre Laporte est étranglé en fin d’après-midi par l’un de ses ravisseurs qui cherche à le maîtriser au cours d’une échauffourée20. » Encore plus récemment, Jean-François Lisée a signé une chronique dans laquelle, tout en indiquant que la mort de Laporte ne pouvait être complètement accidentelle en raison de la durée d’une mort par strangulation (qui nécessite une force maintenue durant quelques minutes21), il émet l’hypothèse que l’assassinat du ministre se serait faite en deux temps22. Selon l’hypothèse de Lisée, qui s’appuie sur des enregistrements illégaux, ayant refait surface récemment, de discussions entre les frères Rose et leur avocat à l’époque, le ministre aurait d’abord été rendu accidentellement inconscient après que les felquistes auraient tenté de le faire taire lorsqu’il criait pour s’échapper, et ils l’auraient ensuite achevé.

Comme l’a souligné David St-Denis Lisée, dans un article du Bulletin d’histoire polititque portant sur les théories de la conspiration dans La constellation du lynx et Fabrications. Essai sur la fiction et l’histoire de Louis Hamelin, dès le lendemain d’octobre 1970, de nombreuses interprétations ont circulé au sujet de ces événements, dont plusieurs théories du complot :

Pour plusieurs, le déploiement militaire et les arrestations massives visaient principalement à asséner un choc psychologique sur la gauche et le mouvement indépendantiste québécois. […] Le fait que les agissements du FLQ aient servi de prétexte à une importante répression policière est corroboré par les chercheurs s’étant penchés sur cet épisode. À l’extérieur du champ universitaire, de nombreuses théories ont circulé à propos de l’événement. De l’écrivain Jacques Ferron à l’ex-felquiste Pierre Vallières, en passant par quelques journalistes, les agissements du FLQ en octobre 1970 – voire avant – et, ultimement, la mort de Pierre Laporte, auraient été en lien avec des manipulations politiques et policières23.

Les membres de la cellule Chénier étaient visiblement bien au fait des différentes hypothèses qui avaient circulé depuis les événements d’Octobre, au sujet de la manipulation dont ils auraient été victimes, ou encore, du rôle qu’auraient joué les forces policières canadiennes ou les services secrets américains dans l’assassinat de Pierre Laporte.

Dans Pour en finir avec octobre, Francis Simard a d’ailleurs vivement dénoncé les nombreuses théories que certains intellectuels québécois ont proposées au sujet des véritables causes et des coupables de la mort du ministre :

On a tenté de bien des façons « d’expliquer » la mort de Pierre Laporte. Il y en a pour tous les goûts. Pour les amateurs de romans policiers il y a les idioties, carrément malhonnêtes, du genre L’exécution de Pierre Laporte de Pierre Vallières. C’est la théorie de l’infiltration, de l’ennemi venu de l’extérieur. On invente des faits pour ensuite affirmer qu’il aurait été tué par l’armée, la police ou la pègre. À vous de choisir. Toutes les solutions sont « bonnes » (donc fausses24 !).

On pourrait d’ailleurs croire que c’est notamment afin de rétablir les faits, « pour en finir avec » ces histoires de complot que Simard a écrit son livre. Plus encore, dans les critiques qu’il émet au sujet de ces théories, on constate que l’ex-felquiste en associe l’existence à un refus d’entendre et de reconnaître la responsabilité que les membres de la cellule Chénier ont pourtant toujours souhaité assumer dans cette affaire :

On a inventé des histoires à partir de rien sinon de peurs, d’illusions, de préjugés. On va nous dire que nous avons permis tout ça par notre silence. En ne parlant pas, en ne racontant pas ce qui s’est réellement passé, nous aurions entretenu toutes ces histoires. Il y en a qui n’écoutent jamais. Il y en a qui ne veulent jamais entendre quand ça ne fait pas leur affaire. Sans entrer dans les détails, nous avons toujours assumé la mort de Pierre Laporte. Dès notre arrestation et tout au long des procès qui ont suivi, nous avons affirmé notre responsabilité entière, sans partage. Tout le temps nous avons dit qu’Octobre était québécois « de la tuque aux mitaines ». Nous n’avons jamais dit que c’était un accident. Nous n’avons jamais dit que ce n’était pas nous. Quant à la manipulation, ceux qui ont peur d’assumer Octobre devraient se la fermer ou dire carrément qu’ils ne veulent pas y être associés plutôt que de radoter sur notre compte. S’il y a eu manipulation, c’est après. Pas avant, ni pendant25 !

D’ailleurs, selon des propos que Simard auraient tenus à Falardeau, des prises de parole publiques de la part de Rose Rose, la mère des frères Jacques et Paul, dans lesquelles elle clamait l’innocence de ses fils, auraient été une source de tension au sein de la cellule Chénier. Francis Simard aurait vu dans toutes les interventions de différentes natures visant à les disculper ou à atténuer le fardeau de responsabilité qu’ils avaient souhaité porter, une bonne raison de raconter publiquement ce qui s’était véritablement produit afin de faire taire les rumeurs26. Si les membres de la cellule Chénier ont eu des débats houleux au fil du temps, plusieurs indices permettent toutefois de croire que ces divergences ne concernaient pas directement le récit proposé par le livre de Simard ou par le film de Falardeau des circonstances entourant la mort de Pierre Laporte…

Peut-être que, comme nous l’apprend la psychanalyse, la « vérité » repose davantage dans le récit que fait un sujet de son vécu que dans la « vérité historique » et, si Falardeau avait d’abord comme intention de « filmer le réel » dans Octobre, il en est arrivé à la conclusion que personne des quatre membres de la cellule Chénier ou de lui-même ne pourrait avoir tout à fait la même interprétation des faits. Le cinéaste a confié à Mireille La France :

Tu vois, c’est beaucoup plus tard que je me suis aperçu que c’était impossible de rendre compte de LA VÉRITÉ. Même s’il s’agissait des mêmes faits pour tout le monde, chacun les réinterpréterait différemment, à sa manière. Ça m’a beaucoup perturbé, à ce moment-là, parce que je m’imaginais encore pouvoir filmer le réel ; mais là, je me suis bien rendu compte que ça pouvait pas exister, « le réel », au cinéma ; c’est forcément toujours une interprétation. Au fond, le scénario du film ravivait leurs vieux débats politiques : Paul reprochait à Francis d’être un « humaniste », et Francis accusait Paul d’être un « politicien27 » !

Il appert en effet que les frères Rose se soient montrés très critiques envers le film Octobre. Pourtant, il semblerait que la représentation proposée par Falardeau des circonstances entourant la mort de Laporte n’ait pas été contestée par les frères Rose, dont les critiques portaient sur d’autres aspects du film :

Quand j’ai envoyé le scénario à Paul et à Jacques Rose (Bernard Lortie n’était pas intéressé à le lire), c’est Jacques que j’ai rencontré le premier et il m’a payé la traite pendant plusieurs heures ! Il trouvait que mon scénario ne valait pas de la marde, que j’avais rien compris à ce qu’ils avaient vécu, que j’étais un imbécile… Il sortait toutes sortes d’exemples comme le personnage qui se bourre de spaghettis : « On va avoir l’air d’une gang de mongols ! », ou bien le gars se frappe le visage avec la brique : « Ça s’est pas passé dans la cuisine, mais dans les toilettes, pis on aurait jamais fait ça devant un enfant, on n’était pas des barbares quand même28 ! »

Quant à Paul Rose, ses critiques auraient porté sur l’« inexactitude » de certains détails dans le film. Il a reproché une « utilisation à des fins dramatiques des cagoules » par les felquistes (qui n’en auraient que rarement porté dans la maison, selon lui) et a contesté ce qu’il a nommé « la scène de “criage” » (en renvoyant à la séquence de la descente policière dans la maison d’en face, lorsque les felquistes croyaient que les policiers venaient plutôt les chercher29). Le plus grand reproche formulé par Paul Rose au sujet du film aurait toutefois porté sur « […] le fait que la “dimension politique” [aurait été] “dramatiquement absente” du film30 », puisqu’il aurait souhaité que le film explique le contexte historique derrière les événements et les raisons de l’engagement politique des membres de la cellule Chénier – des reproches qui auraient aussi été formulés par Jacques Rose à Pierre Falardeau31. Selon ce que Francis Simard aurait confié à Falardeau, il semblerait aussi que la réaction initiale de Jacques Rose à la suite de sa lecture du récit proposé par Pour en finir avec octobre ait été très favorable. Le cinéaste a rapporté à Mireille La France :

Tu vois, au début, j’étais assez naïf sur cette question-là. J’avais réellement l’impression que les gars avaient tous la même version des faits, le même point de vue sur ce qui était arrivé. Mais, plus tard, quand Francis a publié son livre, il m’a raconté la réaction des autres. Jacques lui avait dit « C’est exactement comme ça que je l’ai vécu » ; alors Francis était assez content. Mais quand Paul l’a lu, il a trouvé plusieurs problèmes au livre ; il lui a fait un certain nombre de critiques sur des détails comme l’impossibilité pour les flics de connaître tel numéro de licence de char à tel moment, enfin, toutes sortes de problèmes de ce genre-là. Mais sa grande critique, c’était surtout qu’il trouvait inadmissible que Francis écrive noir sur blanc dans son livre que Jacques et lui-même (Francis) avaient exécuté Laporte, alors qu’ils avaient toujours soutenu, par solidarité, être tous les quatre responsables de cette mort. […] Francis a très mal vécu ça. Et finalement, dans son livre, il a remplacé sa phrase : « J’ai tué Pierre Laporte avec Jacques Rose » par la formule « Nous étions membres du FLQ, nous sommes donc tous les quatre responsables de la mort de Pierre Laporte32 ».

On constate ainsi que les membres de la cellule Chénier ont eu de nombreuses occasions de contester ou de contredire le récit des événements survenus sur la rue Armstrong proposé par Pour en finir avec octobre de Francis Simard et par Octobre de Pierre Falardeau. Pourtant, selon mes recherches, il semblerait qu’aucun d’entre eux n’ait jamais pris la parole pour rétablir les faits à partir de sa propre interprétation au sujet de la représentation proposée par le film de ce moment crucial. Ne pourrait-on pas penser que, si cette version de l’histoire n’avait aucunement correspondu à la réalité, les frères Rose l’auraient fait savoir publiquement (ce qui aurait pu se faire sans qu’il ne soit nécessaire d’entrer dans les détails, afin de respecter leur pacte) ? Après tout, ils ne se sont pas gênés pour contester publiquement plusieurs autres détails du film, dont l’exagération de la consommation de spaghetti ou du port des cagoules par les personnages du film, qui n’aurait pas été une représentation fidèle de leur quotidien durant les jours passés sur la rue Armstrong…

De plus, pourquoi auraient-ils d’abord apposé leur signature au livre de Francis Simard, qui affirme que la mort de Laporte n’était pas accidentelle, si cela était faux ? Quant aux propos qu’auraient tenus les frères Rose dans des discussions avec leur avocat, dont les enregistrements illégaux ont refait surface récemment33 ; se pourrait-il que les propos de Jacques Rose, laissant entendre que la mort de Laporte résulterait d’un accident, n’invalide pas pour autant le récit qu’en a fait Falardeau, à partir du témoignage de Simard, qui affirmait qu’ils avaient pris la décision de tuer le ministre, après un enchaînement d’événements ? Après tout, un accident est survenu avant qu’ils ne prennent la décision d’exécuter leur otage, lorsque Pierre Laporte s’est grièvement blessé en tentant de fuir par la fenêtre de sa chambre. Seulement, tandis que Simard aurait choisi d’insister davantage sur la décision qu’ils ont prise, Jacques Rose, en se confiant à son avocat, aurait plutôt mis l’accent sur l’accident qui aurait ensuite précipité cette décision, ou plutôt, sur le caractère tragique de ce « choix », qui n’en aurait pas vraiment été un, comme l’a souligné Pierre Falardeau34.

Conclusion

Avec le recul, Octobre se démarque à de nombreux égards. Il s’agit d’une rare représentation ou interprétation de ces événements qui, tout en jetant un regard empreint d’empathie sur les felquistes, reconnaît pleinement leur part de responsabilité quant aux gestes qu’ils ont posés ; une responsabilité qu’ils ont toujours eux-mêmes reconnue, jusqu’à purger de longues peines d’emprisonnement… « Responsables » : c’est ce plaidoyer prononcé devant le tribunal par les quatre membres de la cellule Chénier qu’on efface ou qu’on oublie quand, encore cinquante ans après les faits, on tente d’imaginer d’autres scénarios ou des versions alternatives au récit que Francis Simard, pourtant un témoin et un acteur de premier plan de cette histoire, a livré à Pierre Falardeau et qui est retransmis dans le film Octobre. Ce faisant, c’est aussi le message que les felquistes voulaient transmettre en commettant ce geste qui se trouve effacé par les nombreux doutes semés au sujet de la « vérité » entourant la mort de Pierre Laporte… Mais posons-nous la question : s’il s’agissait d’un autre homicide où le(s) meurtrier(s) aurai(en)t reconnu les gestes commis, aurions-nous le même réflexe ? Remettrions-nous en cause « sa version » des faits pour en atténuer la portée et la charge de culpabilité ?

Dans un entretien au sujet des nombreuses embûches rencontrées pour qu’Octobre voit le jour, Falardeau a raconté une prise de conscience qu’il a eue en entendant des réactions dont certains lui ont fait part, à la lecture du scénario du film :

C’est là que j’ai compris que le film touchait vraiment. Les anglophones pourraient traiter plus facilement ce sujet. Pour nous francophones, c’est plus que de l’histoire. Chacun de nous est interpellé : « Toi, qu’est-ce que tu aurais fait ? », « Qu’est-ce que tu faisais pendant ce temps-là ? » Nous sommes tous obligés de nous situer, de prendre position. À cause de cela, les réactions sont viscérales35.

Cinquante ans plus tard, il me semble que la question se pose : n’aurions-nous pas collectivement intériorisé la mauvaise conscience associée au FLQ et aux gestes qu’il a commis, au nom de la cause de l’indépendance ? Ce faisant, n’aurions-nous pas aussi intériorisé les propos d’un certain Pierre Elliott Trudeau qui, dans « La nouvelle trahison des clercs », associait ouvertement le nationalisme à la cause des guerres ?

Falardeau nous a rappelé que, en octobre 1970, certains hommes ont été prêts à commettre l’irréparable au nom d’une cause ; celle de la liberté de leur peuple. Cette décision a été prise dans un contexte particulier. Elle a été difficile à prendre, mais ceux qui ont commis les gestes qui ont mené à la mort de Pierre Laporte ont toujours été prêts à reconnaître et à assumer collectivement leur responsabilité. Oui, le nationalisme a déjà mené à la violence au Québec… Comme il en est ainsi de plusieurs autres idéologies et causes politiques, à différents égards, d’ailleurs. Peut-être serait-il temps de respecter le souhait émis par les membres de la cellule Chénier d’être reconnus comme étant responsables des gestes qu’ils ont posés, tout en prenant soin de cesser d’intérioriser collectivement le discours de certains adversaires du nationalisme, qui associent cette cause à la violence à laquelle elle a déjà pu mener. À cet égard, l’esprit de la réponse qu’a offerte Hubert Aquin dans « La fatigue culturelle du Canada français » aux propos de Pierre Elliott Trudeau, paraît toujours grandement d’actualité, presque soixante ans plus tard :

[…] le nationalisme n’est porteur ni de mal ni de bien a priori : il constitue une sorte de parole communautaire, qu’on demeure libre d’entendre ou de ne pas entendre. On peut le combattre au nom d’une idéologie politique, mais pas au nom de la lucidité et de la science. Le séparatisme, d’ailleurs, se présente comme une manifestation particulière de l’existant national, mais il n’en est pas la seule, loin de là. La caractéristique du nationalisme est d’être une expression politique d’une culture : dans le cas du Canada français, il s’agit très nettement d’une aspiration à la politique. À cause de cela, il apparaît aux non Canadiens français comme un élément constitutif du groupe culturel francophone du Canada. En réalité, d’autres manifestations feraient aussi bien la preuve de l’existence de ce groupe culturel : les arts, la littérature, la thématique globalisante de nos chercheurs en sciences humaines, et aussi, sans doute, la dynamique linguistique, la démographie, les luttes sociales, le particularisme religieux, etc36..

 

 


1 Gabriel Landry, « Pierre Falardeau tourne Octobre » [entrevue], 24 images, n° 71, février-mars 1994, p. 7.

2 Au sujet du long processus de création d’Octobre et de la censure manifeste dont le film a fait l’objet, on peut consulter notamment : Marie-Claude Loiselle et Claude Racine, « Entretien avec Pierre Falardeau – Octobre : histoire d’une “patate chaude” », 24 images, nº 67, été 1993, p. 8-14 ; Mireille La France, Pierre Falardeau persiste et filme ! : Entretiens, Montréal, Éditions de l’Hexagone, 1999 ; Germán Gutierrez et Carmen Garcia [réal.], Pierre Falardeau, Argus Film, 2010 ; ainsi que Céline Philippe, Elvis Gratton : mythe et microcosme, Thèse (M.A.), Département de français, Université d’Ottawa, 2011.

3 Voir : Pierre Falardeau, Octobre [scénario], Montréal, Stanké, 1994, p. 23 ; 111 ; 116 ; 118 ; 151. Dans un entretien où il décrit l’ensemble des obstacles qu’il a dû surmonter avant de pouvoir tourner son film, il rapporte avoir dû modifier certains éléments de son scénario à la suite de commentaires qui lui ont été faits par des avocats au service de l’ONF, qui craignaient les risques de poursuites en raison de propos injurieux prononcés par des personnages du film à l’endroit de Pierre Laporte et de Robert Bourassa, notamment. Les avocats de l’ACPAV (l’Association coopérative de productions audio-visuelles) lui auraient aussi fait savoir que le fait de conserver dans le scénario certains propos à l’égard de Pierre Laporte entraînerait une hausse des frais d’assurances de l’ordre de 50 000 $ (Marie-Claude Loiselle et Claude Racine, loc. cit., p. 12). Falardeau a confié : « Lorsque je vois comme ça des avocats discuter de cinéma, j’ai vraiment l’impression d’être en Pologne il y a dix ans… » (Idem.)

4 Francis Simard [avec la collab. de Bernard Lortie, Jacques Rose et Paul Rose], Pour en finir avec octobre, Montréal, Stanké, 1982, [page non numérotée].

5 Pierre Falardeau, Octobre [scénario], op. cit., p. 15 [avant-propos].

6 Ibid., p. 16. À noter que la contribution de Julien Poulin à la genèse de la création du film demeure grandement méconnue. Dans la préface de Falardeau à la version publiée du scénario du film, le cinéaste s’en excuse d’ailleurs : « Quelques jours plus tard, Francis commençait à écrire son livre. De mon côté, à partir des mêmes entrevues, je me suis mis à écrire le scénario avec Poulin. Poulin, mon vieil ami, que j’ai oublié, au générique du film, comme un idiot » (Idem.). Dans les entretiens qu’il a accordés à Mireille La France, Falardeau explique ainsi ce qui a mené à cet oubli : « Un oubli lamentable ! Mais, quand vient le moment de faire les génériques, des fois, c’est infernal ; les gens discutent pendant des semaines, il ne faut pas oublier telle personne qui a fait les sandwiches… De sorte que sur les deux cents noms de la liste, j’ai oublié de mettre celui de mon chum Poulin ! Un oubli de fin de parcours. Et je m’en suis rendu compte seulement en voyant la copie du film. On a écrit les deux ou trois premières versions ensemble ; il a abandonné quand il a décidé de continuer tout seul, comme acteur. » (Mireille La France, op. cit., p. 188) Pour de plus amples renseignements au sujet des films que Julien Poulin a coréalisés avec Pierre Falardeau, voir : Céline Philippe, op. cit.

7 Mireille La France, op. cit., p. 182.

8 Idem.

9 Ibid., p. 183.

10 Francis Simard, op. cit., p. 67. Je souligne.

11 Ibid., p. 193.

12 Ibid., p. 66.

13 Pierre Falardeau, Octobre [scénario], op. cit., p. 148.

14 Francis Simard, op. cit., p. 196-197.

15 Falardeau a d’ailleurs avoué qu’il avait fait ce choix afin d’être cohérent avec celui fait par Paul Rose d’assumer la responsabilité de la mort de Laporte, même s’il n’était pas présent sur les lieux à ce moment : « Par respect pour le choix de Paul, j’ai quand même accepté de ne pas mettre le vrai nom des gars dans le film (Mireille La France, op. cit., p. 192).

16 Pierre Falardeau, Octobre [scénario], op. cit.

17 Pierre Falardeau, Octobre, Films Lions Gate, 2000 [1994].

18 Voir Mireille La France, op. cit., p. 198-203.

19 Marie-Claude Loiselle et Claude Racine, loc. cit., p. 14.

20 Dave Noël, « 1970. La crise d’octobre, jour par jour », Le Devoir, cahier « Perspectives », les samedi 26 et dimanche 27 septembre 2020, p. B3.

21 Ces constats rejoignent ainsi les conclusions émises par le médecin légiste de la Sureté du Québec que Pierre Falardeau a consulté pour préparer son film et dont il a été question dans la première partie de cet article.

22 Jean-François Lisée, « Comment ont-ils tué Pierre Laporte ? », Le Devoir, cahier « Actualités », les samedi 17 et dimanche 18 octobre 2020, p. A 12.

23 David St-Denis Lisée, « La conspiration du lynx : réflexions autour des écrits de Louis Hamelin sur Octobre 1970 », Bulletin d’histoire politique, vol. 26, n° 1, automne 2017, p. 313-314. Parmi les exemples évoqués par l’auteur d’ouvrages dans lesquels on pourrait repérer diverses théories du complot, on trouve : Jacques Ferron, Une amitié bien particulière. Lettres de Jacques Ferron à John Grube, Montréal, Boréal, 1990 ; Pierre Vallières, L’exécution de Pierre Laporte. Les dessous de l’Opération Essai, Montréal, Québec Amérique, 1977 ; Claude Jean Devirieux, Derrière l’information officielle, 1950-2000, Québec, Septentrion, 2012.

24 Francis Simard, op. cit., p. 191-192.

25 Ibid., p. 192-193.

26 Falardeau l’a expliqué sous forme d’un dialogue imaginé entre les deux felquistes : « Dès le lendemain d’Octobre, quand Francis trouvait qu’il fallait qu’ils expliquent publiquement leur point de vue : “Là, Paul, on n’a pas le droit de laisser toutes sortes d’affaires circuler, on a l’air des menteurs… / – On n’est pas des menteurs ! / – Tabarnak ! Avec ta mère qui raconte partout à travers le Québec que c’est pas ses p’tits gars qui ont fait ça, on a l’air de quoi ?... Faut qu’on parle ! La vérité révolutionnaire…” Mais ils ne parlent pas, et ça dure depuis des années. C’est comme ça qu’un gars comme Vallières peut débarquer avec un livre qui raconte n’importe quelle connerie ! Mais ça doit être encore leur argument sur la solidarité qui les en empêche. Moi, il me semble que ça détruirait pas leur idée, au contraire, c’est encore plus fort : tu dis au monde qu’un gars qui était même pas dans la maison au moment de la mort a été condamné pour ce meurtre-là pis qu’il en a assumé toute la responsabilité ! Ciboire, me semble que l’idée de la solidarité est loin d’être trahie !... » (Mireille La France, op. cit., p. 191-192)

27 Ibid., p. 188.

28 Ibid., p. 186.

29 PC, « Rose reste froid face à “Octobre” », Le Soleil, jeudi 6 octobre 1994, p. A 6.

30 Idem.

31 Comme l’a expliqué Falardeau, « [m]ais, dans la tête de Jacques, un vrai film sur Octobre, ce serait un documentaire qui durerait six heures et dans lequel ils feraient une tournée des villages québécois… C’est une bonne idée, mais ça ne correspondait pas au film que moi je voulais tourner. » (Mireille La France, op. cit., p. 191).

32 Mireille La France, op. cit., p. 185-186.

33 Voir notamment : Louis Fournier, FLQ : histoire d’un mouvement clandestin, Montréal, VLB éditeur, 2020 [3e édition] et Jean-François Lisée, loc. cit.

34 Falardeau a raconté : « C’est [Bernard Émond] qui m’a expliqué la différence entre un drame et une tragédie : dans un drame, le gars a le choix entre le bien et le mal ; dans une tragédie, il n’y a même pas de choix. Le choix est tragique, inévitablement. » (Mireille La France, op. cit., p. 193).

35 Marie-Claude Loiselle et Claude Racine, loc. cit., p. 182.

36 Hubert Aquin, « La fatigue culturelle du Canada français », dans Jean-Christian Pleau, La Révolution québécoise : Hubert Aquin et Gaston Miron au tournant des années soixante, Montréal, Fides, 2002 [texte original publié en 1962], p. 212. L’auteur souligne.

 

* Professeure, département de littérature et de français, cégep Édouard-Montpetit. L’auteure désire remercier Robert Laplante de lui avoir permis d’écrire cet article, ainsi que Manon Leriche et Ali Dostie d’avoir contribué à inspirer quelques-unes des réflexions qui se trouvent dans ce texte.

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