Le Parti québécois minoritaire et l'économie

Le Parti québécois forme le nouveau gouvernement, mais se retrouve minoritaire. Sa capacité d’action se trouve réduite, même s’il dispose de l’initiative et que les libéraux et caquistes ne veulent pas se retrouver encore en élection d’ici quelques mois. Ceux-ci doivent renflouer leurs coffres, ceux-là se trouver un chef.

L’équipe de Pauline Marois ne pourra pas appliquer mur à mur son programme. Ce sont surtout certains aspects du plan identitaire, comme la loi 101 aux cégeps, qui posent problème. Étant donnée l’opposition, pas question d’un référendum ou même d’adopter le mécanisme des référendums d’initiative populaire à brève échéance.

Malgré ces déceptions, la population du Québec se trouve soulagée d’un vieux gouvernement corrompu qui semblait toujours privilégier ses réseaux à l’intérêt général. Ça vient de changer.

Plusieurs réformes et changements seront mis en place, soit l’essentiel de la plate-forme électorale. Bien menés, ils montreront le sérieux du parti, ce qui accroitra la confiance de la population, pour une future majorité à l’Assemblée nationale.

Par exemple, au plan économique, c’est une toute nouvelle vision qui est ici proposée, basée sur l’indépendance énergétique et le contrôle de nos ressources.

Tirer avantage de nos ressources

Notre Nord ne sera plus un bar ouvert. Depuis le début des années 2000, le prix du minerai a explosé et il est présentement très rentable de l’exploiter. C’est pourquoi les multinationales se bousculent. Ainsi faut-il négocier le maximum de retombées au Québec, à commencer par la transformation chez nous, ce qui accroît le nombre d’emplois de qualité.

Il est très difficile d’obtenir de la deuxième et troisième transformation dans le secteur de l’aluminium, ces entreprises se situant à proximité de leurs clients, principalement dans le Midwest. Par exemple, on se souvient que l’aluminerie Alouette avait préféré payer la pénalité plutôt qu’honorer ses engagements en la matière auprès du gouvernement Landry.

Selon la nouvelle ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, le secteur du minerai est tout à fait différent, principalement à cause des coûts de transport très élevés dans cette filière. Développer ici de tels emplois sera plus aisé. C’est le genre de retombées qui pourraient être exigées en échange de contrats d’électricité à des tarifs avantageux ou d’aide au développement d’infrastructures comme les routes ou l’aménagement d’un port.

Pour tirer un maximum de retombées de nos mines, le PQ instaurera une redevance de 5% sur la valeur brute de la production. Actuellement, un grand nombre de minières ne paient rien à l’État grâce à leurs bons fiscalistes et aux zones floues ou trop permissives de la loi sur l’impôt. Un rapport passé du vérificateur général avait sonné l’alarme en la matière. La situation actuelle est parfois pire qu’à l’époque de Duplessis.

Lorsque les prix de ces matières premières atteignent des sommets, comme c’est actuellement le cas, les multinationales réalisent d’immenses bénéfices. Le nouveau gouvernement entend prélever 30% des surprofits. Par exemple, un taux normal peut être établi à 10%. Lorsque le taux réalisé est plus élevé, la portion qui dépasse le 10% est taxée à près du tiers. Si le marché baisse et que les profits ne sont plus au rendez-vous, on se contente du 5% sur la valeur brute.

L’idée n’est pas de rebuter les grandes firmes à exploiter nos ressources, mais de s’assurer de bénéficier du plein potentiel de notre incroyable patrimoine, en sortant du modèle colonial.

Devant l’ampleur du travail à réaliser, la ministre des Ressources naturelles est épaulée par deux adjoints parlementaires. Luc Ferland pour les affaires nordiques, Denis Trottier pour la forêt. La nomination d’une ministre déléguée aux Affaires autochtones, Élizabeth Larouche, doit être saluée et facilitera la conciliation des intérêts des Premières nations à ceux du développement économique du territoire québécois.

La forêt représente un secteur d’une importance capitale pour nos régions. On prépare l’adoption d’une charte du bois exigeant que ce matériau représente 30% des constructions publiques et 5% dans la construction privée non résidentielle. Nous produisons du bois, il faut l’utiliser davantage.

Le Parti québécois travaille également à doubler la valeur de la production forestière via un vaste chantier de travaux sylvicoles. Il sera aussi nécessaire de questionner le modèle de fonctionnement dans cette industrie qui semble préférer la quantité à la qualité, et le court terme à un développement durable. Ici aussi, tout doit être mis en place pour retirer le plus de retombées possible.

Vers l’indépendance énergétique

La vision du développement économique de l’équipe Marois est celle de l’indépendance énergétique. Notre dépendance aux importations pétrolières explique notre déficit commercial et doit être réduite au maximum, tant pour des motifs économiques qu’environnementaux.

Le Québec regorge de ressources énergétiques. Plutôt qu’exporter notre électricité à 5¢ le kilowattheure aux États-Unis, alors que nous le payons 7,5¢ et que les dernières centrales ont un coût de production à 10 ¢, il faut s’en servir pour la substituer à notre consommation d’hydrocarbures.

Le succès de ce défi passe par le développement du transport électrifié, tant collectif qu’individuel, et tant interurbain qu’intra-urbain. Un fonds pour le développement des technologies en ce sens est annoncé. De plus, la première ministre envoie un message clair en ayant nommé Sylvain Gaudreault aux Transports et aussi aux Affaires municipales. Le développement urbain et périurbain doit être davantage réfléchi en fonction d’un déplacement efficace des gens et des marchandises. Ici aussi, on s’attend à de nouvelles façons de faire.

L’électricité seule ne saura combler toute notre demande énergétique. Cette source demeurera toutefois la principale et on entend continuer à développer la filière hydraulique, mais aussi les autres filières renouvelables.

Pour le secteur éolien, le modèle actuel déçoit. Hydro-Québec passe des appels d’offres à des entreprises qui passent à leur tour leurs commandes à des fabricants qui peinent à satisfaire à la demande mondiale. On se retrouve avec des coûts trop élevés, sans compter les fréquents retards. Les développements futurs devraient être dirigés par notre société d’État, voire par les communautés ou coopératives locales. Il ne faut pas minimiser l’importance de cette filière en évolution. Le potentiel éolien du Québec pourrait même être supérieur à son potentiel hydraulique, selon certains spécialistes, comme Bernard Saulnier.

Une importante promesse électorale du Parti québécois a été l’annonce du déclassement de la centrale nucléaire de Gentilly-2. En tournant le dos à cette filière, la première ministre indique vouloir voir se développer une expertise québécoise dans le déclassement de centrales devenues désuètes. Si cela venait à se réaliser, la perte d’expertise dans l’énergie nucléaire serait compensée par une spécialité beaucoup plus en demande au niveau mondial.

Si le gouvernement met de côté l’exploitation et même l’exploration des gaz de schistes, il y a un réel désir de ne pas laisser Terre-Neuve pomper seule le pétrole d’Old Harry dans le golfe Saint-Laurent. Le jour où cette activité extractive entrera en fonction, les retombées économiques seront considérables. En plus de finalement permettre l’atteinte complète de l’indépendance énergétique du Québec et d’équilibrer notre balance commerciale, l’exploitation de cette ressource apportera d’incroyables recettes à l’État. Un important régime de redevances est déjà annoncé, soit 50% des profits avant impôt.

Bien sûr, tout ça se fera au prix d’une dégradation considérable de l’environnement. Même si la plate-forme électorale du PQ stipule que c’est conditionnel à une étude complète et favorable du BAPE, il reste que Terre-Neuve s’active présentement aux limites de la zone québécoise et pollue déjà nos eaux. Dans tous les cas, avec l’environnementaliste Daniel Breton à l’Environnement, un tel projet devrait se faire avec un maximum de souci écologique.

Son projet de Maîtres chez nous au XXIe siècle n’a jamais été en aussi bonne voie de se concrétiser. L’équipe de ministres et d’adjoints réunis autour de ce projet de contrôle des ressources et d’indépendance énergétique représente une première, tant par sa qualité que par sa compétence. De plus, les partis à l’opposition ne devraient pas trop contester ces projets, notamment parce qu’ils reçoivent un fort appui populaire.

Soutien aux PME et aux agriculteurs

Dans un souci de dynamiser l’économie des régions, le gouvernement a annoncé la création de la Banque de développement économique du Québec, sous la supervision de la ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb. Ce guichet unique d’aide aux entreprises sera présent dans toutes les régions et remplace les autres structures déjà existantes, en les rassemblant au même endroit.

De plus, cette banque offrira davantage de capital. C’est que le mandat de la Caisse de dépôt et placement du Québec sera revu pour revenir à sa mission première. Elle financera plus de projets économiques québécois, plutôt que seulement assurer le plus haut rendement possible, trop souvent en spéculant sur les marchés internationaux, comme le triste épisode du papier commercial.

La vie économique des régions passe aussi par l’agriculture. Avec François Gendron à ce ministère, appuyé par son adjointe aux pêcheries, Jeanine Richard, on vise davantage de souveraineté alimentaire. L’objectif, très ambitieux, est de faire passer notre consommation de produits québécois de 33% à 50%. Cet objectif représente tout un défi.

L’accent sera aussi mis sur l’émergence de produits d’appellation contrôlée. Enfin, la Loi sur la protection du territoire devrait être adaptée de façon à décourager la spéculation foncière sur les terres agricoles en plein essor sur tout le territoire.

Le terrible défi des finances

Les éléments jusqu’ici recensés présentent de grands axes de la vision du développement économique du Parti québécois. À coup sûr, notre économie s’en trouvera dynamisée, le nombre d’emplois de qualité s’accroîtra, tout comme les recettes fiscales attendues.

En attendant les retombées de ces projets annoncés, qui ne seront vraisemblablement pas maximisées d’ici les prochaines élections, la conjoncture économique québécoise demeure précaire, tout comme les finances publiques.

Le ministre des Finances, Nicolas Marceau, fait face à un difficile défi. Il explique que son premier objectif est d’assurer l’équilibre budgétaire. Les partis d’opposition n’accepteront rien d’autre, et lui non plus d’ailleurs.

Avec le déficit de fonctionnement plus élevé que prévu que lui laisse son prédécesseur, avec l’abolition de la taxe santé et le gel ou l’indexation des droits de scolarité, il faudra soit couper ailleurs, soit aller chercher plus d’argent. Après tout, il ne s’agit là que d’un demi-gouvernement, l’autre partie préférant dépenser nos impôts notamment en F-35 et en aide à l’industrie automobile ontarienne. À ce sujet, le travail du ministre délégué aux Affaires intergouvernementales et à la Gouvernance souverainiste, Alexandre Cloutier, devra être soutenu.

Pour compenser la taxe santé et garantir l’équilibre budgétaire, la plate-forme du PQ annonce un ajout de deux paliers d’impôt pour les fortunés et une révision de la fiscalité quant aux gains en capitaux. L’actuelle loi fiscale est trop permissive, permettant aux très hauts revenus de payer un taux effectif à peine plus élevé que celui de la classe moyenne. Par exemple, le fait que seulement la moitié des gains nets, une fois les pertes déduites, soit soumise à l’imposition constitue une aberration. Cette faille permet notamment à de hauts dirigeants de recevoir leur rémunération en actions et ainsi réduire leur niveau de taxation.

Renouer avec une fiscalité plus progressive, soit alléger celle de la classe moyenne et augmenter l’effort exigé des plus fortunés, constituerait une première. Cela va à l’encontre de la tendance des dernières décennies et des valeurs des libéraux et des caquistes, mais s’inscrit dans une volonté de plus en plus exprimée à l’échelle mondiale, d’exiger à chacun de payer selon sa capacité. Si le ministre des Finances est plutôt favorable à un changement en ce sens, l’opposition pourrait farouchement y faire obstacle. Oseront-ils faire tomber le gouvernement sur le premier budget? Tout ceci devra être mené avec tact et parcimonie.

La menace d’une récession

Il est fort probable que de telles mesures progressives ne soient pas suffisantes pour demeurer en équilibre budgétaire. Comme John Maynard Keynes nous l’a appris et Paul Krugman le répète, des mesures d’austérité en période de récession ou d’incertitude économique nuisent à l’économie. Elles pourraient être suffisantes pour plonger le Québec en récession, nous mettant dans une situation comparable à celle des États-Unis et de la plupart des pays européens. Aussi, un déficit serait préférable à une récession, puisqu’il peut être remboursé plus facilement lorsqu’on renoue avec la croissance économique. Il n’est vraiment pas certain que M. Marceau partage cet avis et on peut s’attendre de toute façon à une opposition catégorique de la part des partis adverses. Les indicateurs économiques devront être minutieusement suivis et analysés.

Jusqu’à maintenant, le Québec a pu éviter la récession, qui touche pourtant la plupart des pays industrialisés. C’est pour le moins surprenant, puisque la force du dollar canadien handicape nos exportations et que de nombreuses entreprises exportatrices déménagent aux États-Unis. Nos exportations diminuent alors que les prix du pétrole font augmenter nos importations. Le secteur bancaire a été davantage épargné qu’ailleurs. Le secteur immobilier maintient son activité et les prix poursuivent leur ascension, rappelant avec inquiétude les dernières bulles. À n’en pas douter, la menace d’une récession plane et constitue le pire obstacle économique du gouvernement.

C’est d’autant plus préoccupant qu’elle pourrait arriver plus tôt que prévu. L’ampleur des contrats en réfection d’infrastructures passés aux entreprises quelquefois douteuses et aux bureaux d’ingénieurs qui ont financé en retour le parti du précédent gouvernement a pu avoir un effet de stimulant économique. Ce programme de dépenses a accru l’endettement public tout en évitant de se retrouver directement dans le déficit à cause des normes comptables. Bien que totalement injuste, en favorisant vraisemblablement les amis du parti, il s’agit là d’un programme de stimulation économique à la Keynes on ne peut plus classique. L’État s’endette pour soutenir l’emploi.

En mettant de l’ordre dans l’administration et en réalisant un véritable équilibre budgétaire, le ministre Marceau arrêtera net cette stimulation. Il faudra en tenir compte pour ne pas se retrouver plongé en crise économique. Ceci est d’autant plus sérieux que le Québec ne contrôle pas sa politique monétaire et que son gouvernement n’a pas accès à la moitié des finances publiques, qui demeurent à Ottawa.

Conclusion

L’économie du Québec touche tous les ministères, l’éducation et la santé en premier lieu. La présente analyse a été limitée à certains ministères, sans pour autant nier l’importance des autres. Chaque élu du gouvernement fait face à des défis de taille. En étant minoritaire, le Parti québécois a la chance de faire ses preuves, mais a peu droit à l’erreur.

Le plan de développement économique est très prometteur et l’équipe de ministres est en mesure de le réaliser. Le contrôle de nos ressources et l’indépendance énergétique sont des termes porteurs. Toutefois, la gestion immédiate des finances publiques, soit d’assurer un l’équilibre budgétaire tout en évitant la récession, tout en étant minoritaire, représente tout un exploit.

L’équipe Marois se retrouve pour l’instant cantonnée au rôle de bon gouvernement de province. En livrant la marchandise, elle pourra redonner confiance à la population en ses institutions, gagner une majorité pour enfin travailler concrètement à construire notre pays.

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