- Septembre 2021
- Les privilèges de l'anglosphère
- Gilles Paquin et André Sirois
NON au don du Royal Vic à l’université McGill
Le moment est venu pour le gouvernement québécois de la CAQ d’agir selon les principes qu’il prétend défendre et qu’il a le devoir de défendre dans l’intérêt de la nation québécoise. Ce gouvernement doit renoncer à exécuter la promesse abusive faite par le dernier gouvernement libéral de donner à l’université McGill plus d’un milliard de dollars en subventions et en immeubles publics, dont une bonne partie du mont Royal, la faisant passer ainsi de « ghetto McGill » à « forteresse McGill » qu’il lui sera impossible de contrôler par la suite. Le gouvernement doit tout simplement et immédiatement renoncer à exécuter ce projet d’une autre donation scandaleusement abusive et illégale et socialement injuste et condamnable.
Depuis l’annonce de ce projet, dans les derniers jours du gouvernement libéral, de nombreux intéressés, dont plus d’une cinquantaine d’organismes de toutes sortes, l’ont dénoncé comme étant encore une fois, un traitement de faveur accordé aux privilégiés de McGill à l’encontre de l’intérêt commun des Québécois et des Montréalais, fait à l’insu de la population et de ses institutions et contraire à leurs besoins et à la justice.
Devant ces protestations, le gouvernement Legault a semblé avoir un moment d’hésitation et il a annoncé qu’il procéderait à des « consultations » au sujet de la décision des libéraux. Dans les faits, ces « consultations » ont été des réunions privées, sur invitation seulement, où n’étaient invités que des intervenants ne présentant aucun risque de contestation d’un projet déjà décidé. Ces fausses consultations ont été dénoncées comme elles devaient l’être, mais le gouvernement n’a pas encore osé arrêter le projet dans lequel il semble se croire piégé par la promesse des libéraux.
Il est grand temps de le faire. À l’heure de la loi 96, qui confirme le danger dramatique d’extinction imminente des francophones, et, à l’heure où le gouvernement sent le besoin de se doter d’une loi constitutionnelle, il est urgent qu’il mette fin au traitement abusif et injustement favorable des universités et des cégeps anglophones, au premier chef de l’université McGill, fondée, faut-il le rappeler, avec l’argent et les biens donnés ou confiés aux Jésuites et aux Sulpiciens par des francophones qui en ont été dépouillés par le gouverneur anglais.
Comme le montre éloquemment Frédéric Lacroix dans SON texte Québec préfère les universités anglaises et dans son livre Pourquoi la loi 101 est un échec, il est grand temps d’accorder aux institutions francophones le traitement que justifie leur nombre et de mettre fin au traitement abusivement et injustement privilégié des établissements anglophones, au premier chef l’université McGill. Ce n’est pas en lui donnant plus d’un milliard de dollars qu’on atteindra cet objectif. Cette énorme injustice a trop duré. C’est maintenant que la justice doit reprendre ses droits.
M. Lacroix parle très clairement :
Au Québec, les universités anglophones bénéficient d’un net avantage (d’un facteur quatre en proportion au poids démographique) pour ce qui est des fonds d’immobilisation investis par le gouvernement du Québec. Sur l’île de Montréal, un étudiant « pondéré » qui étudie en anglais bénéficie de 56 % de plus de fonds d’immobilisation qu’un étudiant qui étudie en français.
Et :
Rappelons que McGill dispose annuellement de revenus de quelque 1,44 milliard de dollars, […] possède 1,7 milliard de dollars dans sa fondation, et des biens évalués à 4,9 milliards de dollars. Alors que l’Université du Québec dépend à 90 % des fonds versés par le gouvernement et les étudiants du Québec, moins de la moitié du budget de McGill est dépendant de ces deux sources de revenus. McGill est un véritable empire financier.
McGill est également un important propriétaire foncier ; elle dispose de 730 000 mètres carrés d’espaces dont 613 000 mètres carrés reconnus par le MÉES. Même si McGill n’accueille pas le plus important effectif étudiant, elle est l’université possédant le plus vaste campus au Québec […]
À toutes fins utiles, rappelons aussi que :
1. UNE ADMINISTRATION PUBLIQUE N’ALIÈNE JAMAIS SON DOMAINE PUBLIC
L’hôpital Royal Victoria, ses divers immeubles et les parties du mont Royal en question font partie du domaine public du Québec et appartiennent à tous les Québécois. Le gouvernement québécois n’en est que le fiduciaire et il a le devoir impérieux de respecter l’intégrité de ce domaine public et de ne pas l’aliéner.
Il existe ailleurs de nombreux exemples de solutions aux problèmes que peut poser l’intégrité du domaine public. Un cas récent et particulièrement pertinent : l’Hôtel-Dieu de Paris avait de graves problèmes de financement ; il fallait à la fois assurer des rénovations très coûteuses et un financement de roulement tout aussi onéreux. L’administration a donc décidé de mettre en location le tiers de l’immeuble pour 80 millions d’euros. Ainsi on peut rénover tout l’immeuble et obtenir un financement de roulement. Mais on ne vend pas le domaine public et on ne l’aliène pas. Et surtout, on ne le donne pas à des intérêts privés comme le gouvernement du Québec veut maintenant le faire avec le mont Royal et l’Hôpital Royal VicTORIA.
2. LE DON DE PLUS D’UN MILLIARD DE DOLLARS À McGILL EST N’EST PAS JUSTIFIÉ.
Avant que les libéraux s’engagent à lui céder l’ancien hôpital et une partie du mont Royal, McGill avait déjà indiqué qu’elle souhaitait acheter une partie de ce domaine… et prévoyait alors verser au Québec plus de 700 millions de dollars pour ce qui pourrait devenir un nouvel institut.
Mais depuis que le gouvernement libéral du Québec a déclaré qu’il allait lui en faire cadeau (évalué à plus d’un milliard de dollars), la chancelière de McGill a déclaré qu’elle voulait maintenant en plus recevoir de l’aide de Québec (estimée à plusieurs centaines de millions de dollars) pour accompagner ce cadeau.
McGill estime maintenant que son projet va coûter au Québec plus d’un milliard de dollars et qu’il faut sûrement ajouter des coûts cachés considérables. McGill a par exemple déclaré prévoir la construction d’un auditorium de 2000 places (avec les stationnements à l’avenant ?) sur le mont Royal.
3. LA SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DES INFRASTRUCTURES A FAIT UN EXAMEN PARTIAL.
La Société québécoise des infrastructures (la SIQ) chargée d’examiner ce qu’il faudrait faire des immeubles et des terrains de l’Hôpital Royal Victoria n’a examiné aucune autre possibilité que le don à l’Université McGill. Elle semble ainsi ignorer les servitudes inscrites aux donations créant l’Hôpital Royal Victoria (voir ci-dessous). Ne serait-il pas normal qu’elle examine d’autres possibilités, par exemple la mise en location d’une part du domaine pour financer la restauration d’une grande partie de l’ensemble comme l’a fait l’Hôtel-Dieu de Paris ?
4. LA NOUVELLE FORTERESSE McGILL
Il faut savoir aussi que ce projet de McGill s’inscrit dans un ensemble beaucoup plus vaste d’investissement et de revalorisation de son immense parc immobilier (le « master plan ») dans le centre-ville de Montréal, ce qu’on appelle déjà le « ghetto McGill », en gros de la rue Peel jusqu’à l’avenue du Parc et du boulevard de Maisonneuve jusqu’à l’intérieur du mont Royal. McGill étudie depuis déjà plusieurs années des projets pour transformer ces énormes biens immeubles en tours d’appartements et de bureaux. On va passer du « ghetto McGill » à la « Forteresse McGill » qui, dans les faits, sera fermée aux Québécois francophones sauf aux professeurs, aux étudiants et au personnel. Les francophones se trouveront dépossédés pour toujours d’une partie très importante du centre-ville de Montréal sur laquelle, dans les faits, ni le gouvernement ni la ville de montréal ne pourront exercer leur autorité. On reviendra aux beaux jours du « Mille Carré Doré » (le « Golden Square Mile ») où les seuls francophones qui étaient admis étaient les manœuvres et les domestiques. C’est ce qu’on appelle maintenant : la « requalification » de McGill.
5. LE NOUVEAU PROJET DE McGILL
Il faut dire un mot du projet que McGill prétend réaliser sur le site des immeubles de l’hôpital Royal Victoria : il s’agirait d’un important projet international, qui est déjà présenté comme un projet « Canadian » et qui vise à attirer encore plus de professeurs et d’étudiants anglophones. De plus, il est évident que les fonds publics que le Québec et le Canada vont mettre dans ce projet n’iront pas aux universités et aux institutions francophones, ce qui ne fera qu’accentuer l’écart déjà énorme entre le financement des institutions anglophones et francophones, à l’avantage scandaleux de la minorité anglophone, que Frédéric Lacroix décrit éloquemment.
Et bien entendu que la réalisation d’un tel projet à McGill empêchera la réalisation de tout autre projet du même genre et d’une importance équivalente par un établissement francophone. Pourquoi ne pourrait-on pas faire un institut regroupant les meilleurs talents des universités québécoises et de la francophonie ? Ou faire le même projet, McGill inclus, mais en français. N’aurions-nous pas plutôt intérêt à financer un véritable projet international francophone avec l’appui de la francophonie ? En encourageant ainsi aveuglément la réalisation d’un tel projet à McGill, on anéantit la possibilité de réaliser tout projet d’importance équivalente en français.
6. LES CONTRATS D’ORIGINE
Par ailleurs, il est bon de rappeler que certains des transferts de terrains du Royal Victoria qui ont été faits ne semblent pas respecter les conditions des documents d’origine. Pour corriger certaines de ces irrégularités, la députée libérale Jennifer Maccarone a présenté à la fin de la dernière session le projet de loi privé no 219. Mais il ne semble pas que tout sera réglé pour autant.
Pour ce qui est des terrains, on sait déjà que, dans la donation de 1887, il est écrit expressément que si le Roval Vic cesse d’exister comme hôpital, les terrains qui lui ont été loués à perpétuité doivent retourner à la Ville de Montréal : « in such case the said city of Montreal shall reinter into possession of the above described property ». Cela constitue une servitude, qui ne peut pas être ignorée. Il convient de se demander si le gouvernement du Québec a bien la propriété de ces terrains et si tout est conforme. le gouvernement du Québec a confirmé l’existence de problèmes à ce sujet en présentant à la fin de la dernière session un projet de loi privé (le projet de loi no 219) dans le but de corriger certaines irrégularités.
***
On le voit : il est absolument illégitime et contraire à l’intérêt des Québécois, des francophones en particulier, de continuer à insister pour donner plus d’un milliard de dollars en domaine public et en fonds publics à l’université McGill. Le gouvernement du Québec doit agir dans l’intérêt des Québécois, de tous les Québécois, et non seulement au profit de la minorité anglophone traditionnellement privilégiée.
Gilles Paquin est un journaliste à la retraite, André Sirois est avocat auprès de l’ONU