Les coopératives de santé, un modèle démocratique d’avenir pour le Québec

Au cours des dernières années, la société québécoise a vu naître plusieurs coopératives de santé. Le développement de ces dernières, dans les différentes régions du Québec, s’est fait de façon spontanée, selon les besoins et la volonté des communautés. Ce modèle novateur de services de santé curatifs et préventifs, créé par et pour les citoyens, remet en question les paradigmes de l’offre de services par une démocratisation de l’accès de proximité aux services de santé de première ligne.

Au Québec, la création des coopératives de santé venant la plupart du temps pallier la fermeture de cliniques médicales, départs de médecins ou encore l’absence de services de santé de première ligne à proximité du lieu de résidence a l’avantage d’être exclusivement fondée sur les besoins des citoyens d’une communauté donnée. Il n’y a donc pas de spéculation sur les besoins du milieu, puisque c’est le milieu lui-même qui se dote desdits services en déficit. De plus, dans un contexte de vieillissement de la population québécoise et de la gestion de la crise sanitaire due à la pandémie de la COVID-19, des services de santé de proximité curatifs et préventifs sont de nature critique pour un continuum de services de santé de première ligne de qualité dans les années à venir.

Notons que les coopératives de santé s’inscrivent dans un système d’accès universel et de couverture de services publics. Dans ce contexte, l’étendue et la qualité de la couverture médicale sont bien souvent les résultantes de processus complexes, voire hermétiques. Ceci s’explique notamment par le défi des communications grand public des décideurs politiques à faire des choix éthiques et financiers dans l’allocation des services de soins de santé à l’échelle de la province. Il faut considérer le fait que les services de santé de première ligne sont couverts par le Régie de l’assurance-maladie du Québec (RAMQ), cela oblige les autorités du régime public à se positionner sur la question de la répartition du financement et des effectifs médicaux pour l’utilisation optimale des ressources ainsi que l’équité d’accès et de traitement des citoyens.

Dans cette perspective, les coopératives de santé, par leur nombre et leur étendue sur le territoire de la province de Québec, se positionnent telles des actrices clés appuyant la promotion de cette utilisation optimale en complémentarité des services publics. En effet, en offrant à des professionnels de la santé la possibilité de venir pratiquer à temps plein ou à temps partiel, elles permettent de desservir des bassins de population à proximité qui ne l’auraient pas nécessairement été sans la présence de la coopérative. Par leur fonctionnement démocratique, les coopératives de santé se distinguent des cliniques médicales traditionnelles, et ce, tout en préservant l’équité et la qualité des services.

Soulignons qu’en tout premier lieu, l’offre des services de santé couverts dans le cadre des régimes publics est d’abord scientifique. L’objectif est d’offrir une solution thérapeutique de manière efficace avec les moyens dont on dispose pour le faire. De ce fait, l’État doit tenir compte de la capacité du système à répondre aux besoins des citoyens, et ce, tout en considérant les impératifs démographiques et économiques de son budget.

Outre l’axe scientifique, le volet administratif est également un incontournable dans la mise en œuvre desdits services de santé. Au Québec, le choix a été fait vers une stratégie de gestion déléguée aux établissements présents sur le territoire. La résultante des dernières années est que l’État préconise de déléguer la responsabilité aux gestionnaires régionaux des réseaux de la santé en appliquant un principe de responsabilité populationnelle partagée. Ceux-ci doivent prendre en compte leurs enveloppes territoriales et sont, en définitive, ceux qui exercent principalement le contrôle économique de la prestation de services publics.

Enfin, la répartition du financement et des effectifs médicaux est aussi politique. Au Québec, cette répartition reste implicite et est mise en œuvre à partir du terrain, et ce, toujours en fonction du système de couverture publique. Il n’y a pas nécessairement de place pour l’ouverture au public quant au processus décisionnel relativement à la détermination de la couverture médicale de l’État. Chose certaine, les coopératives de santé, quant à elles, s’inscrivent dans un autre paradigme de couverture, mais sans être en totale opposition avec l’État. En effet, le réseau des coopératives de santé se positionne en complémentarité et en appui aux réseaux locaux de santé publique.

Fait notable, la réforme introduite à la suite de la publication du rapport de la commission Clair en 2000 misait sur un renforcement de la première ligne de soins et de services de santé, dont la responsabilité de l’offre et de la dispensation hors établissement repose en grande partie sur les groupes de médecine familiale (GMF) et les cliniques médicales. La principale qualité attendue des services de première ligne est leur accessibilité. En ce sens, les coopératives de santé devraient être largement plus concertées avec les réseaux de santé locaux et reconnues par le gouvernement à titre de partenaires d’importance nécessitant un appui pour assurer la continuité de leur offre de services.

Il existe une quarantaine de coopératives de santé au Québec, différentes à divers égards, mais partageant un tronc commun de services et une mission première, à savoir de rendre accessibles des services de santé de première ligne de proximité. Les coopératives de santé sont des entreprises issues du milieu de l’économie sociale mobilisant plusieurs partenaires, dont le citoyen. Concrètement, les coopératives de santé offrent à celles et ceux qui en bénéficient, des services de proximité en santé, améliorant leur qualité de vie.

Une coopérative de santé représente un changement de paradigme qui devrait être supporté et partagé à titre de pratique gagnante et non comme une marginalité.

Ceci est vrai tant pour la société civile que pour les effectifs médicaux. L’organisation de tels services de proximité permet de multiplier les opportunités de desserte de services régionaux, pour que des parties prenantes y croisent leurs expertises et se reconnaissent réciproquement comme étant légitimes. Les partenariats menés sur des questions comme l’accessibilité, la participation citoyenne, la réduction des impacts néfastes sur la santé et la vitalité des territoires sont autant de possibilités d’alimenter des synergies locales, bénéfiques et durables.

Certains réduisent une coopérative de santé à son caractère clinique, mais c’est une erreur. Ces coopératives sont des « laboratoires » où l’on innove sans cesse pour la démocratisation des soins de santé de première ligne. En réalité, les coopératives de santé dont des carrefours en service de santé curatif et préventif. On y rend possibles de nouvelles pratiques sociales et professionnelles, comme la télémédecine qui a été instaurée par quelques coopératives de santé, au cours de l’année 2020, dans une formule jamais vue auparavant en offrant directement les services aux citoyens sans passer par un intermédiaire.

Aujourd’hui, on comprend mieux l’utilité sociale des coopératives de santé, mais pour être pleinement parties prenantes des stratégies territoriales et reconnues comme telles, les dirigeants des coopératives de santé doivent être encore plus consultés et reconnus comme des partenaires de premier plan en complémentarité des instances publiques. Le potentiel du modèle coopératif en santé repose sur leur ancrage singulier et sur leur indépendance ; une indépendance qui est aussi un enjeu en regard de l’organisation des services sur les territoires.

Il est essentiel de conserver les compétences construites pas-à-pas par les dirigeants des coopératives et leurs partenaires dans un axe de démocratisation des services de santé par et pour les citoyens. Ce doit être un enjeu pour les collectivités qui sont attachées aux besoins sociétaux en santé. Préserver une pluralité d’initiatives indépendantes, c’est renforcer les capacités d’un territoire.

À propos de la Fédération québécoise des coopératives de santé (FQCS)

La Fédération québécoise des coopératives de santé représente les coopératives de santé réparties dans 14 régions administratives comptant chacune, en moyenne, 2 000 membres à qui elles prodiguent des services de première ligne en santé, autant curatifs que préventifs. Ces services sont offerts par leurs 230 médecins omnipraticiens, leurs 115 infirmières et leurs dizaines de professionnels de la santé qui, ensemble, gèrent 280 000 dossiers médicaux. Elles sont exploitées à des fins non lucratives. Pour en savoir plus : https://fqcs.coop/

Références

Benoît Rigaud et al., l’État québécois en perspective « Le rôle de l’État dans la dispensation des services de santé », automne 2006.

FQCS, « Étude d’opportunité pour soutenir le développement des coopératives de santé au Québec », octobre 2015.

FQCS, « L’Utilité sociale des coopératives de santé dans les communautés du Québec », mars 2021.

Directrice de la gestion des projets, Fédération des coopératives de santé du Québec

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