Réunis pour célébrer

logo100eBLEU150Chers amis, Joyeux Anniversaire !
Joyeux Anniversaire à tous !

Membres du comité de rédaction, auteurs, lecteurs, infographistes, personnel d’imprimerie, critiques et blogueurs, c’est une fête pour nous tous. Une fête aussi pour tous ceux et celles qui ne sont pas ici présents, mais qui se trouvent dans cette enceinte chaleureuse et fraternelle que constitue le très mystérieux collège invisible qui rend possible et stimulante la vie d’une revue.

L’Action nationale a cent ans. C’est un véritable exploit. Même si nous avons la certitude et la preuve – tous les numéros des premières années le prouvent – que les fondateurs voyaient loin, on ne peut s’empêcher de se demander si même dans leurs rêves les plus fous leur détermination leur laissait espérer l’horizon du centenaire. Un siècle entier à penser le Québec, à le chérir, à l’admonester, à en désespérer même parfois, mais un siècle toujours à foncer dans l’épaisseur du destin commun avec courage et opiniâtreté.

Il faut se le dire avec fierté : nous sommes ici pour célébrer une grande réalisation. Voilà cent ans que de numéro en numéro, de dossier en dossier, de campagne d’abonnement en appel à souscription, L’Action nationale se construit en puisant à ce qu’il y a de meilleur dans la culture que notre peuple façonne en terre d’Amérique.

Il y a de quoi être fier, en effet, de ce qu’au fil des ans lecteurs et artisans ont construit avec des moyens de fortune, dans l’indigence même, la plupart du temps. Et cette construction, si on peut la contempler aujourd’hui, c’est pour mieux réaliser qu’il ne s’agit pas d’une maison où s’entasseraient les souvenirs plus ou moins décatis de pensées mortes et de vestiges d’un passé révolu, mais bien plutôt d’un chemin tracé dans l’incertitude du temps.

Un chemin, l’image est peut-être même un peu forcée, tant parfois la continuité du sens a été difficile à maintenir. Un chemin ? Peut-être pas toujours, mais un sentier très certainement. Un sentier pour gravir les obstacles en formant des cordées plus ou moins longues. Un sentier comme un chemin de portage pour composer avec le tumulte des torrents de l’histoire. Une ruelle aussi, très certainement pour découvrir et inventer les mystères de la ville, pour nouer les complicités nécessaires aux grands rendez-vous.

A vrai dire – et pour continuer de filer la métaphore –, ce sont le plus souvent des chemins de traverse qu’a ouverts la revue. Des chemins pour défricher des idées nouvelles ou pour effardocher les espaces où la friche gagne la pensée. Le numéro du centenaire n’en fait pas une démonstration exhaustive, mais bien une illustration, convaincante, je l’espère. On comprendra qu’il était impossible de traiter dans son intégralité un corpus aussi impressionnant. Plus de cent mille pages, des centaines et des centaines d’auteurs, des milliers de sujets, c’était hors de portée.

Au comité de rédaction, nous avons donc choisi de dresser une longue liste de sujets qui nous semblaient dignes d’intérêt. Nous l’avons soumise à un groupe d’auteurs que nous avons invités à plonger dans l’aventure, à relever le défi de revenir sur tant de parcours. Certains étaient des collaborateurs de longue date, d’autres n’avaient jamais publié chez nous, et plusieurs même, et pas nécessairement parmi les plus jeunes, la découvraient. Il n’y avait qu’une seule consigne : trouvez votre miel ! Certains ont choisi de lire en faisant une coupe transversale, sélectionnant une période, d’autres privilégiant l’examen de l’évolution d’une thématique ou encore le cheminement d’un auteur.

Le résultat, nous sommes fiers de l’offrir aujourd’hui. Ils ont livré des analyses stimulantes, porté un regard sans complaisance, démontré que s’enchevêtrent dans une si longue histoire une fidélité indéfectible et une exigence de lucidité qui forcent l’admiration. On y verra que la revue a parfois devancé les événements, lancé des idées et des débats qui ont eu des impacts à long terme. On y verra aussi comment s’est déployé et affirmé le lent travail de sortie de la représentation minoritaire.

L’attachement à la langue française, l’engagement à la défendre et à la promouvoir forment une trame essentielle. Sans la prégnance, à toutes les époques, d’un fort sentiment d’appartenance, sans la volonté farouche de vivre dans la plénitude du langage de notre Terre-Québec, cette revue n’aurait pas existé.

D’hier à aujourd’hui, L’Action nationale garde le cap sur la nécessité pour le Québec de s’assumer comme projet de civilisation, en tant que manifestation d’un génie propre qui mérite d’être porté à la connaissance du monde et partagé avec tous ceux et celles qui veulent s’y définir un destin. On y verra aussi que la revue a raté quelques rendez-vous – nous célébrons une centenaire, pas une sainte ! – et que cela a eu des conséquences.

Il faut savoir refaire son parcours pour mieux y découvrir des pensées qui mériteraient d’être reprises ou des possibles non réalisés. Ce numéro n’est donc pas un monument ni une hagiographie. Nous l’avons voulu vivant et dans la continuité de ce que nous essayons de faire à chaque numéro : déchiffrer notre condition, élargir la conscience nationale et faire progresser le désir d’accomplissement.

Il fallait marquer l’événement. Grâce au talent et à la créativité de Sylvain Deschenes, toujours aussi dévoué, le format a été modifié, la maquette enrichie, pour que ce numéro se démarque de la production courante. Grâce aux bons offices de Michel Rioux et à la générosité d’Armand Vaillancourt, nous pouvons enrichir ce numéro d’une œuvre exceptionnelle. Incarnation forte de la fougue et de la passion du monde, l’œuvre que nous offre Vaillancourt ne pouvait mieux servir ce numéro centenaire. Ces couleurs vives que traversent des mouvements énergiques, ces couleurs qui s’arrachent au noir dans un éclatement jubilatoire, elles ne pouvaient mieux traduire le bouillonnement intellectuel et le goût de foncer qui caractérise la revue dans ses meilleurs moments.

L’Action nationale a cent ans. Le Québec qu’elle sert, celui qu’elle contribue à bâtir reste encore bien loin des ambitions que nous pouvons légitimement nourrir pour notre peuple, pour notre pays. Il faut bien le reconnaître nous avons une trop longue habitude de vivre en deçà de notre potentiel. Il y a quelque chose de mutilé dans la manière que nous avons de ne faire les choses qu’à moitié, de nous accommoder de l’inachèvement. Cela tient très certainement de la nature sournoise de la domination qui s’exerce sur notre peuple, des effets toxiques d’un régime qui produit et récompense des élites velléitaires.

C’est vrai aujourd’hui plus que jamais depuis l’Acte d’union. Le règne de la pensée molle, cette tragique habitude de toujours minimiser les pertes laisse le Québec dans une torpeur aussi inquiétante qu’incompréhensible. Comment notre vie nationale peut-elle être si désorganisée alors que notre dynamisme culturel est exceptionnel ? Comment le Québec peut-il à ce point se montrer incapable de lire ses intérêts nationaux ? Comment peut-il se laisser déporter à la périphérie de lui-même ? Se laisser enfermer dans la culpabilité d’être ? Il y a là toute l’opacité et le mystère de notre condition.

La recherche des réponses à ces questions et à bien d’autres, nous nous en faisons un devoir moral. Elle dresse le programme éditorial pour une revue de combat comme la nôtre. L’Action nationale ne cessera de chercher des réponses, de produire les matériaux qui pourraient paver les voies de l’émancipation. Elle ne le fera pas seule, c’est entendu. Mais elle le fera d’autant plus et mieux qu’elle saura accueillir le travail de tous ceux et celles qui savent faire confiance à la puissance de l’action intellectuelle.

Un seul texte, une phrase lumineuse, un exposé bien tourné et tout peut basculer.

Le mystère reste entier : on ne sait jamais vraiment quand une idée trouve ses conditions de fécondité. On sait seulement que pour l’accueillir il faut savoir rendre les esprits disponibles. Et cela ne se fait que par la lecture attentive, par les débats rigoureux et surtout par une passion brûlante pour tout ce qui peut rendre le monde meilleur.

L’Action nationale a cent ans. Je ne vous cacherai pas que j’ai encore du mal à y croire. Parce que je reste toujours étonné des égards que tous ses artisans lui portent, que nos lecteurs lui accordent. Je ne compte plus les anecdotes où les événements sont venus à notre rescousse. Combien de fois pensions-nous manquer de textes pour compléter un numéro pourtant et nous retrouver à quelques jours de la tombée avec des surplus qui nous rendent difficile la composition du sommaire ? Combien de fois avons-nous été surpris et ravis de recevoir des textes proposés par des auteurs que nous n’avions pas l’habitude d’accueillir et qui sont devenus des collaborateurs réguliers ? Et que dire de la joie que nous apportent les renouvellements d’abonnement, l’arrivée de nouveaux lecteurs, les succès de vente inattendus ?

Ce sont certes de petites joies, mais ce ne sont pas des petits riens. Tous ces gestes de confiance font le sel de la vie éditoriale. Ils donnent l’énergie et l’audace nécessaires pour continuer à nourrir des projets que la trop grande modestie de nos moyens devrait nous interdire. Je voudrais ici remercier tout particulièrement les généreux donateurs qui nous apportent un soutien exceptionnel. Grâce à eux nous avons pu fonder et faire grandir Les Cahiers de lecture, relancer L’Action nationale Éditeur, mettre en ligne une exposition virtuelle sur l’histoire de la revue. Je leur offre toute ma gratitude et celle de l’équipe de rédaction. Nous ne négligerons rien pour continuer de mériter la confiance qu’ils nous accordent.

Sans rien diminuer de la générosité qui les honore, je voudrais souligner la qualité de leur engagement envers le Québec, envers la revue qui le sert de son mieux. Car en définitive, c’est de cela qu’il s’agit dès lors qu’on parle d’une aventure qui dure depuis un siècle : l’engagement. L’engagement nourri par la confiance inébranlable dans la capacité de notre peuple à s’arracher à lui-même et à ce qui le retient ; l’engagement à persévérer pour faire lever l’horizon, pour porter plus loin l’immense espérance des fondateurs.

L’Action nationale a cent ans. Il suffit de parcourir son abondante production pour y retrouver tous les signes d’une volonté farouche de faire du Québec une terre de projet, une terre de promesses. À cent ans, il est devenu évident que l’action intellectuelle que nous menons se déploie à l’échelle historique. Nous avons su et nous savons toujours traverser les conjonctures difficiles. Nous savons que le Québec est plus fort que ce qu’en laissent à penser les résignés, les moroses et les démissionnaires qui nous gouvernent ou aspirent à le faire.

Nous savons que notre lutte nationale finira par trouver victoire. Nous savons aussi, tous autant que nous sommes autour de cette revue, que nous y aurons été pour quelque chose. Dans la grande chaîne de la vie, pour paraphraser Raymond Lévesque, nous aurons été portés par la conviction que rien n’arrive sans la fidélité à l’héritage, sans l’audace de s’en servir pour inventer l’avenir. Le peuple du Saint-Laurent finira par réaliser son indépendance.

L’Action nationale a cent ans. Célébrons. Célébrons dans la certitude qu’a réaffirmée Gaston Miron. Célébrons avec la conviction que « Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver ».

Montréal, le 23 février 2017
Maison Ludger-Duvernay

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Collections numériques (1917-2013)

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