- Romain Gaudreault
- Numéros publiés en 2014
- Décembre 2014
Jalons pour la lutte idéologique au Québec
Vous tournez à gauche sur la rue Châteauguay. Puis vous bifurquez sur la rue Monseigneur-Plessis et arrivez rapidement à votre école. Pendant des années, matin, midi et soir, vous parcourez ces rues sans savoir ce qui se cache sous les noms qui les désignent. Plus tard, vous le saurez. Vous apprendrez quel rôle ont joué certains de ceux qu’on appelait autrefois des « Canadiens », c’est-à-dire les descendants des Français établis dans la vallée du Saint-Laurent. « Châteauguay » célèbre une victoire remportée par des miliciens canadiens lors d’une guerre menée par leurs maîtres britanniques, tandis que la rue Monseigneur-Plessis est ainsi nommée en l’honneur de cet évêque de Québec qui soutenait le pouvoir en place à la même époque (Lacoursière 1997 : 158-162). Ces miliciens et cet évêque méritent-ils vraiment que nous leur rendions hommage ? Ceux qui ont toute autorité sur la toponymie le croient. Quant aux passants, voient-ils dans ces noms de rue autre chose qu’une manière commode de s’orienter ?
La toponymie n’est pas le seul moyen que les dirigeants politiques utilisent pour rendre hommage à ceux dont l’action doit servir d’exemple pour leurs concitoyens. Au cœur de nos villes, les monuments commémoratifs sont encore plus puissants de ce point de vue (Gaudreault 2010a et 2013). Dans le cadre de la lutte idéologique qui accompagne leur mouvement de libération nationale, les indépendantistes québécois ont tout intérêt à actionner ce puissant levier que constitue le combat contre la toponymie et les monuments commémoratifs au service de l’idéologie régnante.