Cahiers éditoriaux

  • Hiver 2007 - Construire la référence québécoise

    2007hiver250Éditorial inaugural des Cahiers de lecture

    La lecture n’est pas un exercice solitaire. Si elle est d’abord un dialogue entre un auteur et le lecteur qu’il sollicite au moins autant que ce dernier l’interpelle, la lecture est aussi une construction. Construction du sens à travers ce dialogue certes, mais aussi, à travers tout ce qui se déploie dans cet espace intangible où la culture bat. Lire n’est pas seulement œuvrer dans l’espace intime où chacun fait son miel de ce que le livre a à offrir, matériau, occasion, questionnement, c’est également bâtir une intangible et néanmoins prégnante communauté des interprétants.

    L’œuvre, en effet, est une inscription : toujours elle s’inscrit dans une communauté première, donnée. Et la lecture est le moyen par lequel cette inscription se fait projet et héritage. Or, il se trouve que des œuvres, il s’en publie beaucoup ici et il se trouve également qu’un trop grand nombre restent mal ou trop peu commentées. Le pays, du coup, se prive de ce qui peut l’aider à mieux se bâtir, à se projeter plus loin dans ce qu’il hérite de ses propres réalisations. C’est ce à quoi veulent contribuer les Cahiers de lecture de L’Action nationale.

  • Été 2007 - Et ses jolis yeux doux, doux, doux

    2007CahiersJuin250La préparation, pour 2008, des fêtes du 400e anniversaire de la fondation de Québec est en train de tourner à la grimace. Ça n’a pas encore eu lieu que déjà ça empoisonne notre univers culturel. Ce cirque triste est tout le contraire de la célébration, sinon celle de la médiocrité. Ce qui se voit et s’annonce là vient redire la mesure de notre soumission et la puissance des forces d’occupation. Le Canada fait déjà sentir partout sa présence dans la vieille capitale, maintenant il confisque le sens de la commémoration du 400e, il en détourne les symboles, usurpe en somme l’événement pour mieux phagocyter notre identité et notre histoire. Le tout avec la complicité active d’une poignée de notables idéologiquement sûrs et prêts à tous les rapetissements provinciaux pourvu qu’on les déguise en singeries de la grandeur. Des fêtes bilingues, pavoisées aux couleurs de l’unifolié, sacrées par la Gouverneur général, au son des fanfares accueillant le gratin des provinciaux consentants au Club de la Garnison. Vive la Canadienne ! Et dire qu’il y a un an à peine, il s’en trouvait pour imaginer la proclamation d’indépendance sous les remparts de la vieille ville ! Pinçons-nous.

  • Automne 2007 - Avoir un point de vue sur le monde

    2007automne250Un peuple n’existe pleinement que s’il est en mesure de conjuguer ses choix et ses priorités avec son point de vue sur le monde. Et pour être dans le monde, il faut savoir s’y tenir, c’est-à-dire le saisir dans un espace de pensée propre et s’y projeter dans une conduite accordée à la meilleure réalisation de ses intérêts. Dans un État normal, cela s’appelle une politique étrangère marquée au sceau de l’intérêt national. Dans un État normal, cela veut dire que les choix politiques peuvent varier, mais que leur variation n’est ni arbitraire ni exclusivement soumise à la logique des partis : l’intérêt national définit en quelque sorte des seuils et des paramètres qui fixent le cadre de référence (géopolitique, écologique, économique, etc.) à l’intérieur duquel peuvent se déployer des positions divergentes. Transposé dans le débat public, cet état de fait, cette évidence implicite se traduit par une espèce d’intuition partagée, ce qu’on appellerait avoir une certaine idée de son pays et de la place qu’il tient dans le monde. Cette intuition, c’est celle qui exprime et crée la loyauté, par-delà les divergences partisanes et les débats idéologiques.

  • Printemps 2008 - Trois fois passera

    2008printemps250Les Cahiers de lecture nous emportent ! À compter du présent numéro, nous publierons désormais trois fois l’an au lieu de deux. Nos prévisions initiales les plus optimistes nous fixaient ce rendez-vous au terme de la troisième année. Mais la matière est si abondante, les collaborateurs tellement enthousiastes et le lectorat si accueillant, que nous fonçons dans l’aventure. Bien sûr, toute notre entreprise reste fragile, nous avons lancée le projet avec quelques sous et beaucoup de ferveur, il a été reçu avec chaleur et curiosité. Grâce à la complicité de quelques donateurs généreux et grâce surtout, à la confiance qu’ils ont réitéré dans le potentiel des Cahiers, dans leur pertinence culturelle et leur utilité sociale, nous sommes en mesure d’affronter les dures lois de la viabilité économique. 

  • Été 2008 - L'or exige le silence !

    2008ete250C’était jusqu’ici l’affaire des abattoirs nauséabonds, des industriels piétinant les règlements de zonage pour mieux combattre les groupes de citoyens et les environnementalistes. Voilà que les géants financiers débarquent maintenant dans la censure des livres !

    La multinationale de l’or, Barrick Gold, sise à Toronto, poursuit en justice la maison d’édition Écosociété pour cinq millions de dollars à titre de « dommages moraux compensatoires », plus un million à titre de « dommages punitifs ». Montant exorbitant. Tournant dans la vie démocratique comme dans la pratique de l’édition au Québec.

    Le livre d’Alain Deneault, écrit en collaboration avec Delphine Abadie et Wiliam Sacher, Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique (Écosociété, 2008, 352 pages), repose pourtant sur des informations déjà publiques ou émanant de sources officielles. Mais la principale aurifère au monde ne vise pas la justice : elle vise l’or, c’est-à-dire le silence !

  • Automne 2008 - La culture et l'usurpation

    2008Automne250Le dossier des compressions budgétaires dans la culture a littéralement donné l’impulsion à la campagne électorale fédérale au Québec. Les artistes protestataires ont réussi à s’imposer au point de fournir aux partis d’opposition une véritable prise sur le gouvernement Harper, une prise qu’ils ne trouvaient guère jusque-là et qui a permis notamment au Bloc Québécois de reprendre l’initiative dans une bataille commencée sur la défensive. La production d’une vidéo lancée sur Internet a incontestablement constitué un tournant. D’une efficacité redoutable, cet instrument de mobilisation a néanmoins illustré tous les paradoxes d’une revendication nationale qui ne s’affirme qu’en mode provincial !

  • Printemps 2009 - Le relais médiatique

    2009printemps250Une démocratie en santé s’articule au bien commun des citoyens et elle se protège donc normalement des tentatives de mainmise ou de détournement privées, cela par la discussion publique et la libre circulation des idées. Son relais médiatique, notamment, n’est pas obstrué, court-circuité ou instrumentalisé par des intérêts particuliers qui manœuvrent dans l’ombre.

    Dans une démocratie à peu près normale, disons en France, en Angleterre, en Norvège peu importe, un brûlot comme le dernier de Robin Philpot, Derrière l’État Desmarais : Power (voir le compte rendu dans le présent numéro) aurait sonné le branle-bas public. Par sa pertinence et sa force intrinsèque, ce véritable détonateur, si solidement appuyé sur les faits et les documents, dont certains inédits, et si d’aplomb de style, aurait au moins de quoi défrayer la chronique pendant des semaines.

  • Été 2009 - L’information sous influence

    2009ete250Au Québec, l’information présente tous les signes de son contraire : la désinformation. Tournant autour d’un Québec politiquement privé de toute centralité politique forte, la planète médiatique se mue en machine à désincarner. Le récit dont nous abreuvent les médias confine au babillage insignifiant et à la fabrication du sentiment minoritaire. Le débat public, la délibération collective ne s’y effectuent, au mieux, que sur un mode qui convient à une annexe ou une fraction de quelque chose d’autre. Nos médias sont sous influence. Ils servent de revendeurs aux trafiquants de la dope canadienne. 

    L’opération est sournoise : elle nous cache derrière l’abondance de ce qu’elle montre de nous. On nous sert les mesures sophistiquées de visibilité médiatique, les statistiques les plus fines pour démontrer qu’il est abondamment question de nous dans le grand bazar. Au point qu’on veut nous convaincre que le Québec est en montée, rempli de vitalité, enivré de l’expression de lui-même tant il a du plaisir à se voir et à se fréquenter dans ses espaces de divertissement.

  • Automne 2009 - Éditorial

    2009automne250On va toujours trop loin pour ceux qui ne vont nulle part

    Pierre Falardeau 1946-2009

  • Printemps 2010 - La voie de la plus haute exigence

    2010printemps250Il est mort en février. Il a quitté la vie pour ainsi dire en quittant sa table de travail. Quelques jours à peine avant de se retirer Pierre Vadeboncoeur avait livré à L’Action nationale un article éclatant, un article bilan, rédigé dans la pureté d’une écriture concise et remarquablement limpide. La langue chez Vadeboncoeur, incarne non seulement le style de l’homme, elle atteint chez lui une sorte de quintessence de ce que laisse entrevoir la culture québécoise quand elle atteint l’universel. Les mots de Vadebonceour sont ciselés, ses phrases chantournées dans une expérience de son peuple qu’une intime communion avec les espérances qui le portent propulsent dans une prodigieuse et intransigeante lumière.

  • Été 2010 - L’abondance, la richesse et la connaissance

    2010ete250C’est Lord Durham qui doit se retourner dans sa tombe ! Le petit peuple du Saint-Laurent n’a pas seulement continué son chemin et fait son histoire, il la raconte et la questionne avec une fougue et une vitalité remarquables. La production des historiens québécois est d’une abondance et d’une richesse qui la démarque très nettement dans l’ensemble de la production des sciences humaines. Il fallait le souligner et c’est la raison pour laquelle Les Cahiers de lecture présentent ici une très solide sélection des ouvrages récents.

    Nous suivons déjà assez fidèlement la production historienne, nos numéros antérieurs en témoignent, mais nous voulions, avec ce dossier, faire un effort particulier pour attirer le regard et contribuer à notre manière à l’enrichissement des nombreux débats qui structurent cette discipline et qui font l’essentiel de sa vitalité. S’il fallait la caractériser d’un seul trait d’ensemble, on pourrait dire que s’y renouvelle et s’y incube d’une manière fort stimulante la question nationale. La mémoire historienne, faut-il le préciser, n’est jamais étrangère aux mouvements profonds de la vie de la nation et une production si bouillonnante ne peut qu’être un indicateur fiable que quelque chose d’important est en train de se passer dans la représentation du Québec et, du coup, dans sa façon de se projeter.

  • Automne 2010 - De la lecture et des équipements stratégiques

    2010automne250Chaque année, un peu partout au Québec, se tient une Semaine des bibliothèques pour permettre à ces institutions essentielles de se mieux faire connaître. Le but de ces exercices, on le sait, est toujours un mélange de célébration et de promotion, une occasion de rappeler les idéaux, de se donner une vue d’ensemble et un peu de recul.

    Cette année, la semaine était dédiée aux jeunes de 12 à 25 ans, vaste public, segmenté, on le devine bien, en fonction d’un découpage de plus en plus fin tout au long de ce continuum qui pousse les jeunes hors de l’enfance jusqu’aux premiers paliers de l’âge adulte. C’est le romancier Patrick Sénécal qui agissait comme porte-parole. Un choix justifié tout aussi bien par la popularité de ses ouvrages que par les aptitudes de l’auteur à communiquer sa passion pour la littérature, pour la culture en générale et pour la lecture en particulier. « S’abonner c’est un risque à prendre » disait le slogan de la promotion, comme pour traduire délicatement la volonté de vaincre les réticences.

  • Printemps 2011 - Le développement des publics

    2011printemps250Le 23 février dernier, Louis Caron, Yvan Lamonde et Pierre Ouellet faisaient paraître dans Le Devoir une lettre ouverte à un certain James Moore, ministre du Patrimoine canadien, réclamant le rétablissement de l’aide fédérale aux petites revues. Le gouvernement d’Ottawa, en effet, a modifié les normes d’admissibilité à son programme, excluant les périodiques dont le tirage est inférieur à 5000 exemplaires. Les revues québécoises écopent : les trois quarts des 44 d’entre elles membres de la Société de développement des périodiques culturels québécois sont désormais exclues du programme. C’est un impact majeur.

    Les auteurs de la lettre rappellent que le ratio utilisé pour définir les nouveaux critères ne se définissant pas sur le même bassin démographique (5000/8M d’habitants pour le Québec contre 5000/34M pour le Canada) ses effets ne sont absolument pas comparables. S’il fallait une illustration de plus pour rappeler que le Québec n’est pas le Canada, cet exemple serait bien éloquent. Cette compression ne peut s’expliquer pour des raisons budgétaires : au total, cette exclusion des revues québécoises ne rapportera que 800 000 $, une poussière dans le budget fédéral.

  • Été 2011 - L'empaysement

    2011ete250C’est un lieu commun : les vacances sont une occasion de ressourcement et de découverte. Pour plusieurs c’est la possibilité de découvrir le pays ou encore d’y revenir comme en pèlerinage sur les lieux de l’enfance, dans le pays natal ou encore dans celui de toutes les aventures. Le Québec, si exotique pour lui-même dans le traitement que lui inflige un récit médiatique qui ne cesse de le décentrer, de le déporter à la périphérie de lui-même a bien besoin de ses vacanciers.

    La fréquentation des lieux, la contemplation des paysages tout autant que les conversations dans les cafés, sur les quais ou dans les parcs sont des éléments essentiels à la vitalisation de la culture. L’intensification des échanges, la fréquentation des œuvres dans des contextes inhabituels, la découverte de tel ou tel produit du terroir agissent ici, on peut certainement le sentir, comme un véritable baume sur les plaies que nous inflige à tous la culture de masse américanisée qui ne cesse de polluer l’espace public et les esprits.

  • Automne 2011 - Trou de mémoire

    2011automneTROUDEMEMOIRELes Québécois, c’est bien connu, ne s’intéressent guère au Canada, à sa vie culturelle aussi bien qu’à son imaginaire politique. C’est sans doute pour cela qu’ils ont aussi allègrement voté pour des pancartes orange. Et qu’ils continuent de vivre dans un univers pusillanime où la minimisation des pertes fournit les ressorts les plus puissants du consentement à la minorisation. Il y a deux nations dans le même État et l’une ignore l’autre pour n’avoir point à y reconnaître le visage de sa propre soumission pour l’une, pour travestir sa domination en hauteur morale pour l’autre. C’est un bien curieux attelage que cette patente canadian et pourtant, ça marche !

  • Printemps 2012 - L'art contre les lamentations

    2012printemps250On avait déjà vu les artistes faire une balade en autobus à Ottawa pour tenter de faire comprendre aux élus tout ce qu’il y a de pervers dans le projet de loi C-11 qui vise à « moderniser » la Loi sur le droit d’auteur. Un clip au journal télévisé, quelques rapides extraits d’entrevues avec quelques-unes des « vedettes préférées » et puis… Et puis le carrousel médiatique a continué de tourner, et la Chambre des communes a continué de rester étrangère à ce que nous sommes comme à ce qui nous concerne. Et puis, sous la signature de Gaston Bellemare, président de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), d’Aline Côté, présidente du comité du droit d’auteur et de Richard Prieur, directeur général, Le Devoir du samedi 10 mars publiait un texte d’une grande lassitude sur le droit d’auteur. « Il s’efface dans le confort et l’indifférence », déplorent-ils, ce droit d’auteur si crucial pour assurer l’intégrité des œuvres et la juste rémunération des créateurs.

  • Été 2012 - De meilleurs liens entre la pensée et les possibles

    2012ete250L’embâcle a cédé. On ne parvient pas encore à bien identifier tout ce que les eaux tumultueuses du fleuve Québec vont continuer de charrier. Le dégel subit aura fait paraître encore plus long, plus froid ce long silence d’une société congelée dans son doute. Il faut avoir l’esprit chagrin pour ne pas faire la part des choses : la crise n’aura pas eu que du bon, autrement cela ne porterait pas le nom de crise. Mais elle aura eu au moins un effet bénéfique insoupçonné en déclenchant le formidable procès de la médiocrité ambiante.

    Car c’est d’abord d’elle dont il s’est agi : médiocrité libérale répugnante d’un gouvernement qui a voulu jouer au plus fin et qui s’est enlisé dans sa propre gangue. Médiocrité médiatique à peu près généralisée où les cohortes de bonimenteurs ont fini par faire réaliser jusqu’à quel point le métier d’analyste et de commentateur est devenu rare et mal toléré. Médiocrité spectaculaire d’une élite économique incapable de s’élever au-dessus des lieux communs de la littérature d’aéroport, déconnectée et méprisante, grise de son statut de parvenue.

  • Automne 2012 - Le temps de la tergiversation est terminé

    2012automne250Le livre n’est pas une marchandise comme une autre. C’est un vecteur de culture, un objet catalyseur qui conduit toujours au-delà de sa fonction première – fût-elle pratique et utilitaire. Les libraires le savent depuis des siècles, vendre des livres c’est souvent se faire passeur entre des mondes, entre le pouvoir de révéler et le bonheur d’apprendre. Aussi le sort du livre en dit-il toujours beaucoup sur le sort de ceux qui le chérissent ou s’en écartent. La lecture est essentielle au dynamisme culturel comme à l’épanouissement individuel et tout obstacle dressé devant sa pratique contribue à enfermer dans le « noir analphabète » (Miron) les intelligences et les volontés.

  • Printemps 2013 - Les véritables raisons de se désoler

    2013printemps250Tout le malheur de l’homme vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. (Blaise Pascal)

    Cela revient régulièrement dans l’air du temps. La capacité de lecture diminue, anémiée par les mauvaises habitudes induites par les médias sociaux, plombée par un mode de vie chronophage où tout le monde manque de temps pour tout. Il faut avoir tout compris en cent quarante caractères, ne rien lire de plus d’une page, râler sur les briques que nous assènent les libraires et ne concéder à la lecture tranquille que le temps d’un bain de soleil où les héros de polars sont les seules ombres tolérées.

    Le ronchonnage sur les malheurs du progrès a pris une coloration particulière dans la presse locale après que Le Devoir (15 février 2013) ait reproduit l’entretien que Philip Roth accordait au journal Le Monde. Le romancier américain qui vient d’annoncer qu’il renonce à l’écriture s’y épanche sur les malheurs du temps : les grands lecteurs sont de moins en moins nombreux, les recueils de textes courts et les ouvrages en collaboration se multiplient, bref avec une telle production une certaine idée de la lecture est en train de périr non pas dans l’angoisse et la détresse, mais dans l’euphorie frelatée par l’impératif du divertissement.

  • Été 2013 - L'influence d'un livre

    2013ete250Non, il ne s’agit pas d’un ouvrage de fiction. On n’y trouve guère l’esprit satirique et la critique de l’indigence intellectuelle qui ont marqué le premier roman québécois. La bataille de Londres, le livre de Frédéric Bastien a pourtant quelque chose en commun avec le roman de Philipe Aubert de Gaspé. La vaniteuse et butée quête d’or de Charles Amand y préfigure peut-être la perverse ténacité d’un Trudeau décidé à tout mettre en œuvre pour enfermer dans un coffre – sa Charte canadienne si fétichisée – la liberté d’un peuple auquel il a une honte névrotique d’appartenir.

    Dans le monde des essais québécois, le travail de Bastien marque un moment charnière : il y a des lustres qu’un ouvrage n’avait eu une telle portée sur le politique. Voilà un essai qui n’éclaire pas seulement une tranche d’histoire, comme on dit familièrement, il en force une relecture radicale. L’expression « coup d’État », si elle avait déjà été utilisée, avait la plupart du temps été interprétée comme une métaphore, comme une figure très forte pour exprimer une indignation partisane. L’essai de Bastien établit désormais que les faits abolissent les artifices rhétoriques : un coup d’État a bel et bien été perpétré. L’ouvrage frappe dru et ne laisse au démenti que les arguments les plus démagogiques, ceux-là qui laissent aux légitimistes de tout acabit l’odieux soin d’ergoter pour dire que le fait n’est pas la chose puisqu’il y aurait manqué la violence, l’armée, le spectacle autoritariste.

Collections numériques (1917-2013)

action couv 1933Bibliothèque et Archives nationales du Québec a numérisé tous les numéros de L'Action française et de L'Action nationale depuis 1917.

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